En 1956, Cocteau confirme son admiration pour le genre du roman policier en signant la préface du livre de Fereydoun Hoveyda. Nombre d’auteurs de polars dédicacèrent leurs ouvrages au « maître » qui le leur rendit par ses lectures assidues.

La lecture de romans policiers n’a rien d’insolite chez Cocteau. Le genre l’a toujours séduit, surpris, amusé, inspiré peut-être, rendu admiratif parfois au point de regretter de n’avoir su en être lui-même auteur. Au plus profond de ses moments obscurs, il a dévoré le genre ; dans ses instants de détente, il y porta un regard critique et sut s’en distraire avec suffisamment de recul pour dissocier la part d’une écriture alimentaire de celle du génie créatif.
Jean Marais, ému, témoigne : « Les Parents terribles, ça a été… un drame. Incroyable. C’était la première fois que j’allais le voir écrire. Et alors, je le voyais se coucher, s’allonger sur le lit, il fumait l’opium, il fermait les yeux, il lisait des livres policiers, il lisait mes livres que j’avais apportés, qui étaient… pour travailler. J’avais amené des petites brochures classiques de… de Larousse où j’avais… de… Britannicus, de Molière… enfin, bon ! Et puis : il n’écrivait pas… Il restait des heures les yeux fermés et il n’écrivait pas. Alors j’étais un peu inquiet. »
(Jean Cocteau, Mensonges et Vérités, documentaire télévisé de Noël Simsolo, La Sept ARTE / FIT Production / INA, 1996.)

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« Comme j’aime lire le soir les livres du Fleuve noir, malgré son titre, sa couverture idiote et la collection “Angoisse”, j’ai lu Greffe mortelle d’un certain Marc Agapit. J’en demeure stupéfait : ou bien ce type est génial ou il est fou. Je penche pour génial car un fou ne se plierait pas aux exigences de l’éditeur et du style de la collection. (Ce qui est dommage.) J’ai écrit à cet Agapit. Je vais voir s’il daigne me répondre. Sa manière de conter est habituellement propre aux seuls enfants qui écrivent, comme par exemple Daisy Ashford — Young Visitors. Je n’en connais pas d’exemple en France. Ce livre ne doit avoir aucun succès, aucune vente. C’est le style invisible par excellence, et mille fois mieux que le simple humour noir. Il a l’encre drôle, même si ce qu’il raconte vise à l’horrible. Si Loulou de Vilmorin était un homme et si elle avait continué dans la ligne de Sainte-Unefois, peut-être aurait-elle été capable de me surprendre comme cet inconnu. »
(Jean Cocteau, Le Passé défini, juillet 1958.)