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Photos de Cocteau et de Jean Hugo illustrant l’article « À vol d’oiseau sur Les Mariés de la Tour Eiffel » (La Danse, 9 juin 1921). Portait de Jean Hugo par Cocteau publié dans l’album Dessins (1923).

Dans Le Regard de la mémoire (Actes Sud, Arles, 1984), Jean Hugo dessine un court portrait de Cocteau au moment de leur première rencontre : « Vers l’an 1912, dans les couloirs du théâtre des Arts, aux Batignolles, Charles Daudet, son ancien condisciple chez M. Dietz, le M. Berlin du Grand Écart, m’avait présenté au “prince frivole”. En habit noir et cravate blanche, portant à la boutonnière le gardénia qu’il recevait, disait-on, chaque jour de Londres, il courait faire ses visites aux loges les plus élégantes et y faire jaillir les étincelles de son esprit. »
À plusieurs reprises, le nom de Cocteau figure dans ces souvenirs composés par Jean Hugo à partir des agendas qu’il renseignait. La rencontre suivante peut ainsi être datée du jeudi 24 juillet 1917, au 28 rue de Montpensier, en compagnie de Valentine Gross, Roger de La Fresnaye, Jacques Porel, entre autres invités. L’on sait aussi qu’Erik Satie et Jean Cocteau sont les témoins de Valentine Gross, le 7 août 1918, jour de son mariage avec Jean Hugo. Mais c’est Raymond Radiguet qui va cristalliser l’amitié entre les deux Jean, à l’occasion de la publication en 1920 des Joues en feu. Cocteau a veillé attentivement sur l’édition de ces poèmes de Radiguet ornée de quatre burins de Jean Hugo.

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La collaboration intense et fructueuse qui s’établit entre les deux artistes au début des années vingt va s’étendre sur à peine six années. Hugo esquisse ou réalise des décors et/ou des costumes pour des pièces ou projets de pièces de Cocteau : Les Mariés de la tour Eiffel (1921), L’Épouse injustement soupçonnée (drame annamite adapté par Cocteau en 1923), Roméo et Juliette et L’Impromptu de Montmartre (projet de spectacle) en 1924, Orphée en 1926. Jean Hugo grave aussi un portrait de Cocteau pour l’édition des Mariés de la tour Eiffel aux Éditions de la N.R.F. (1924) portrait empreint de gravité, au regard fulgurant.

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Dès la fin des années vingt, Jean Hugo se retire progressivement au mas de Fourques à Lunel (Sud de la France), propriété dont il a hérité au décès de sa grand-mère, Aline Ménard-Dorian. Son baptême, reçu le 11 mars 1931, le sépare un peu plus de ses amis parisiens peintres, écrivains et musiciens, qui cependant viendront à Fourques avec plus ou moins de régularité. Cocteau y séjourne à de multiples reprises entre les deux guerres.
L’amitié entre les deux artistes s’étiole au milieu des années quarante, quand Frosca Munster quitte Fourques et qu’y arrive Lauretta Hope-Nicholson, avec qui Jean Hugo se marie en 1947. Et c’est par une phrase d’une sécheresse absolue que Jean Hugo note dans son carnet de 1963 la mort de Cocteau, annoncée par sa sœur Marguerite avant de passer à table.
Jean Hugo est mort le 21 juin 1984, un peu plus de vingt-et-un ans après Cocteau, à Lunel. Il y est enterré. Cocteau, avec la sensibilité verbale qui fut sienne, a reconnu et souligné avec beaucoup de justesse les qualités du peintre, « paysan subtil, moine médiéval » dont la « main puissante », le « gros œil jupitérien », l’« olympisme », réussissent « de petites gouaches si vastes qu’on dirait que leur taille résulte d’un simple phénomène de perspective ».