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Édith Piaf, Charles Trenet, Gilbert Bécaud. « Une chanson n’est bonne que lorsqu’elle court la rue, que le public la connaît par cœur, qu’il croit s’entendre lui-même et s’identifie à son héros » (Jean Cocteau, Le Foyer des artistes, 1947). « Jean Cocteau : face à la chanson », une interview dans le mensuel Music-Hall de janvier 1957.

En 1906, Cocteau encore lycéen est un habitué de l’Eldorado, café-concert où se produisent Mistinguett, Dranem ou Jeanne Reynette (avec qui il a une brève liaison), évoqués dans Portraits-Souvenir (1935). Avant l’époque du disque et de la radio, la chanson est d’abord liée pour lui au monde de la scène et des planches, des numéros et tours de chant du café-concert et du music-hall. Toréador, sa toute première chanson, mise en musique en 1918 par Francis Poulenc, pastiche le style de Bobino pour une séance de music-hall au Théâtre du Vieux-Colombier.

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Entre 1933 et 1937, Cocteau fait « l’école buissonnière » en marge de son théâtre, en écrivant une chanson pour Kurt Weill et quelques chansons pour deux artistes de cabaret, Marianne Oswald et Suzy Solidor. Pendant l’Occupation, il en écrit une dizaine d’autres pour Jean Marais.

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Bien au-delà de ces collaborations, Cocteau aime la variété française. Il apporte son soutien ou exprime son admiration pour des interprètes débutants ou célèbres pour autant qu’on ne confonde pas la chanson avec la poésie et les chanteurs avec les poètes. La chanson, écrit-il en 1935 dans Paris-Midi, est reine, mais « reine des arts mineurs » Chanson et poésie appartiennent pour lui à deux règnes différents, qu’il est dangereux pour un homme de lettres de vouloir mélanger, écrit-il ailleurs, non sans paradoxe pour l’auteur de chansons qu’il est aussi :
« Quant aux romanciers, poètes, scénaristes et autres hommes de lettres, ils ont tort d’écrire des chansons, ce n’est pas leur métier. La chanson est un art majeur mais qu’elle se méfie des mystificateurs, des faux poètes, des papes pour gares de banlieue et des laissés pour compte de la littérature qui écrivent des chansons pour envoyer de lourds messages ridicules. »
(Music-hall, n° 24, janvier 1957)