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Début des Mariés de la tour Eiffel en son et images. Photographies de la création (1921) : l’autruche, le chasseur, le directeur, les mariés, les beaux-parents, les garçons et demoiselles d’honneur. Voix : Jean Le Poulain (Phono 1), Jacques Charon (Phono 2) et Jean Cocteau (La voix), dans un enregistrement de 1954 (disque La Voix de son maître).

Premier spectacle à texte de Cocteau, ce « ballet satirique » est créé le 18 juin 1921 au théâtre des Champs-Élysées par la troupe des Ballets suédois de Rolf de Maré. Irène Lagut a brossé les décors, Jean Hugo dessiné et réalisé les costumes et masques. La chorégraphie est réglée par Cocteau, sur des musiques composées par Georges Auric, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre. Le spectacle dure une heure. Il est donné six fois, avec une dernière représentation le 26 juin.
Jean Hugo écrit dans Le Regard de la mémoire (Actes Sud, Arles, 1994) : « Cocteau savait “faire une salle”. Il avait placé judicieusement ses amis et ses ennemis. La répétition générale fut houleuse et les sifflets se mêlèrent aux applaudissements. Le poète n’eût peut-être pas goûté les bravos sans les huées ».

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« Ballet ? Non. Pièce ? Non. Revue ? Non. Tragédie ? Non. Plutôt une sorte de mariage secret entre la tragédie à l’antique et la revue de fin d’année, le chœur et le numéro de music-hall », écrit Cocteau dans un article publié quelques jours avant la création (« À vol d’oiseau sur Les Mariés de la tour Eiffel », La Danse, 9, juin 1921). Bien plus tard, dans ses entretiens à la radio avec André Fraigneau (1951) il évoque une « farce sur 1900 » : « Nous nous amusions évidemment avec nos tripes. »
Les Mariés de la tour Eiffel se moque en effet du milieu bourgeois de la Belle Époque dans lequel l’auteur a grandi, et de ses valeurs : la famille et le mariage, la bonne éducation et les conversations polies, les loisirs (chasse, bains de mer à Trouville), la foi dans le progrès, les machines et le commerce, y compris dans le domaine de l’art. Mais Cocteau ne casse pas le jouet, parce qu’il sait que, comme Molière, comme Baudelaire, il est un fils de famille émancipé et que la bourgeoisie est « la grande souche de la France » :
« Il faut perdre le préjugé baudelairien ; Baudelaire est un bourgeois. La bourgeoisie est la grande souche de la France ; tous nos artistes en sortent. Fils de famille émancipés. Peut-être qu’ils s’en affranchissent, mais elle leur permet de construire dangereusement sur une base. »
(Le Secret professionnel, 1922.)