Jean Cocteau, Charlie Chaplin et Paulette Goddard en mai 1936, sur le pont du paquebot qui fait route vers Shanghai.

Aux yeux de Jean Cocteau, comme pour toute sa génération — celle qui est venue au cinéma dans les années vingt —, Charlie Chaplin incarne à lui seul le septième art. Il se trouve sur la même ligne qu’un Louis Delluc, un Jean Epstein, un Élie Faure, qui tous ont consacré un livre au créateur de Charlot, sans parler des peintres et plasticiens comme Fernand Léger.
Mais pour Cocteau il y a une dimension supplémentaire : c’est la place que l’homme prend dans sa vie et l’importance qu’il accorde à leurs relations. La rencontre décisive a lieu au printemps 1936 à l’occasion de la croisière autour du monde entreprise par le poète. Charlie Chaplin et Paulette Goddard se trouvent sur le même paquebot. Cocteau a raconté les détails de cette rencontre dans Mon premier voyage (1937).
Chaplin était présent à son esprit depuis longtemps. Ses premiers courts-métrages, découverts en 1916, le marquent durablement. Il l’aurait rencontré une première fois le 6 octobre 1921 au théâtre du Trocadéro dans la loge de Cécile Sorel : entrevue réelle ou mythifiée ? Cocteau aimera toujours se flatter de ses relations personnelles avec le cinéaste. Il le reverra à diverses reprises soit à Paris, soit à Cannes ou sur la Côte, en 1953, 1956, 1957. Il sera très attentif à sa carrière, ira voir tous ses films, le défendra au moment de son exil d’Amérique (1953).