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Dans Paris-Soir du 22 août 1936, Jean Cocteau raconte la divine surprise de son tour du monde en quatre-vingts jours : sa rencontre avec Charlie Chaplin, le 11 mai précédent, en mer de Chine.

Dans l’admiration éprouvée par Cocteau pour Chaplin, 1936 est la date capitale, le point de cristallisation d’une rencontre jusque -là essentiellement désirée et imaginaire. Celle-ci a lieu le 11 mai 1936 sur le bateau qui le conduit à Shangai : « Deux poètes suivent la ligne droite de leur destinée. Tout à coup il arrive que ces deux lignes se croisent et la rencontre forme une croix, si vous préférez, une étoile. Ma rencontre avec Charlie Chaplin reste le miracle charmant de ce voyage. » Le caractère quasi religieux de cet éblouissement explique son extraordinaire retentissement dans la vie du poète, qui consignera encore dix ans, quinze ans ou vingt ans plus tard dans Le Passé défini des bribes de cette rencontre, prolongée jusqu’à l’arrivée à San Francisco cinq jours plus tard.
Le reportage de Paris-Soir donne de cette cohabitation une version globalement jubilatoire, et ne laisse que deviner au lecteur la lassitude de démonstrations d’admiration difficiles à soutenir cinq jours durant, compliquées par la barrière des langues. Dans son autobiographie, parue un an après la mort de Cocteau (My Autobiography, Simon and Schrester, New York, 1964), Charlie Chaplin évoque beaucoup plus directement (et ironiquement) la sorte de comédie de l’amitié et le ballet des évitements réciproques auxquels les deux amis se sont livrés, sans nier cependant la surprise et la joie de cette rencontre.