Édition originale de la pièce (coll. « Pour mon plaisir », Grasset, Paris, 1934), avec seize dessins inédits. Une édition courante paraît simultanément, avec une couverture dessinée par l’auteur, qui fera aussi les couvertures de deux rééditions, en 1954 chez le même éditeur, en 1962 pour Le Livre de poche.
Dans La Machine infernale, une de ses pièces les plus célèbres, rarement jouée aujourd’hui mais souvent étudiée, Cocteau revisite à sa façon la légende d’Œdipe, dont Sophocle a donné le modèle théâtral dans Œdipe Roi et Œdipe à Colone cinq siècles avant notre ère. Au milieu des années vingt déjà, il a écrit un Œdipe-Roi adapté de Sophocle (texte publié en 1928, joué en 1937 seulement) et dans la foulée un texte pour un Œdipus rex, opéra-oratorio de Stravinski. Ces expériences lui permettent d’envisager, dès 1929, une version plus personnelle de l’histoire d’Œdipe, évoquée dans Opium (1930) :
« Je rêve qu’il me soit donné d’écrire un Œdipe et le Sphinx, une sorte de prologue tragi-comique à Œdipe-Roi, précédé lui-même d’une grosse farce avec des soldats, un spectre, le régisseur, une spectatrice. Représentation allant de la farce au comble de la tragédie, entrecoupée de mes disques et d’un tableau vivant : Les Noces d’Œdipe et de Jocaste ou La Peste à Thèbes. »
(Jean Cocteau, Opium, Stock, Paris, 1930.)
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Il faut attendre 1932 pour que le projet prenne forme. Le résultat est une construction en quatre actes, composés d’une façon qui l’intrigue encore des années plus tard :
« Pourquoi j’ai fait le deuxième acte avant le premier, pourquoi j’ai ajouté le troisième au premier et au second, pourquoi, un an après, j’ai décidé d’y joindre le quatrième, pourquoi je dissimule d’acte en acte la semence des réemplois, pourquoi j’introduis Anubis en Grèce au deuxième acte et Jocaste morte au quatrième. »
(Jean Cocteau, Maalesh. Journal d’une tournée théâtrale, Gallimard, Paris, 1949.)
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Acte I : Nuit d’orage sur les remparts de Thèbes. Le fantôme du roi Laïus essaie de prévenir sa femme Jocaste d’un danger imminent.
Acte II : Aux abords de Thèbes. Œdipe rencontre le Sphinx sous l’apparence d’une jeune fille. Lasse de tuer, charmée par la fougue d’Œdipe, mais irritée par sa prétention, elle lui donne le mot de l’énigme après s’être transformée en Sphinx et lui avoir fait sentir tout son pouvoir.
Acte III : Nuit d’amour de Jocaste et Œdipe.
Acte IV : Dix-sept ans plus tard, la vérité est révélée. Œdipe comprend qu’il a jadis tué son père, que Jocaste est sa mère. Après des années de prospérité, la « machine infernale » préparée par les dieux éclate. Jocaste se pend, Œdipe se crève les yeux et quitte la ville, conduit par sa fille Antigone… et par le fantôme de Jocaste.