La Bête regarde Belle dormir (photo de plateau).

Le cycle féerique :

La Belle et la Bête est le premier film réalisé par Cocteau dans un contexte professionnel normal. À l’inverse de Serge de Poligny dans son Baron fantôme et de Jean Delannoy dans L’Éternel Retour, le poète exigera, contre les routines des techniciens et l’imaginaire ovalisé des producteurs, que son conte se construise au plus près du concret. Il voudra du net dans les éclairages, et non des lumières tramées ou la scintillante opalescence des flous artistiques que les studios de l’époque fabriquent en série. Des draps lourds qui sèchent au soleil, des poules colères sortant de la chaise à porteur où elles dormaient, des sœurs monstrueusement vraies dans leur égoïsme envieux, voilà entre vingt exemples, ce qui, pour lui, peut donner à la féerie son poids de vie et sa force de mythe.
Poésie contre poétique, exactitude concrète contre fantaisie de convention, inconvenance comique contre pathos de pacotille, Cocteau, avec La Belle et la Bête, demeure fidèle à sa méthode.