Trois caricatures de Cocteau dans Le Témoin (n°20, 21 mai 1910). Marcel Proust, encre et mine de plomb, vers 1920. Projet de préface pour l’album  Dessins (1923). Georges Auric face à la musique russe, dans l’album  Dessins.

La caricature est toujours une interprétation outrée, portant à rire, mais qui n’a d’intérêt pour Cocteau que si elle « provoque l’impression de ressemblance », comme il le dit de l’art en général et ici des dessins de Sem, dont ses débuts graphiques portent la marque :
« Il n’est pas un seul beau dessin qui ne se penche vers la caricature. S’il y tombe, tout est perdu. Car le faux pas serait alors accidentel. Un dessin doit être ou n’être pas une caricature, appartenir à l’un ou à l’autre règne.
Toulouse-Lautrec marche toujours à la limite, et c’est ce qui donne à ses personnages cet air épinglé vif, qui fait, par exemple, que Sem provoque l’impression de ressemblance, même auprès de ceux qui ne connaissent pas ses modèles. »
(Cocteau, « Éloge de la caricature », préface à Plus on est de fous… : les meilleurs dessins d’Europe, présentation de Gabriel Perreux, Hachette, Paris, 1959.)

*

Dans ses premiers dessins publiés (dans Le Témoin et Comœdia, au début des années 1910), Cocteau « se penche vers la caricature », à l’école de Sem et de Cappiello.
En s’associant avec Iribe pour créer Le Mot en novembre 1914, il fera du dessin une puissante arme de propagande. Dans Le Potomak (1919) le dessin des « Eugènes » sert de planche d’appel à l’imagination pour formuler les peurs et les grotesques de l’individu ou de l’époque.
De l’album Dessins (1923) au Complexe d’Œdipe publié en annexe de La Machine infernale en 1935, ses caricatures sont pour la plupart guidées par la recherche d’un mariage entre drôlerie et simplification révélatrice, sans s’interdire le genre grotesque : « La poésie s’exprime à sa guise, et il arrive que le caricaturiste soit un poète et que le rire nous ouvre en deux jusqu’à l’âme, autant que l’enthousiasme. », écrit-il aussi dans la préface citée plus haut.

*

S’agissant de Proust, qu’il a connu dès 1910 et qui, à la parution du Prince frivole, avait salué en lui un « Banville de vingt ans », Cocteau sera toujours partagé entre l’admiration pour l’écrivain et l’irritation contre le snob invétéré. Son portrait-charge souligne en lui le côté Charlus, en mélangeant les signes de dévergondage lubrique et l’affectation de pudeur chaste.