Lettres et arts / Écrivains et poètes
Paul Morand
Morand et Cocteau vers 1920, à l’époque des « dîners du samedi », en compagnie du comte et de la comtesse de Beaumont.
« De la pointe des images jusqu’au bec de la plume, jusqu’au trait des formules-flèches, l’art de Jean Cocteau s’installa une fois pour toutes à l’extrémité de l’aigu ; son menton interrogeant, son regard transperçant, son nez en fer de flèche (le ravissant nez de sa vingtième années, qu’il regrettait tant, la veille de sa mort, d’avoir perdu), ses mains affilées, ses cheveux dressés, en toute sa personne Cocteau vécut à la crête de la vie, “allant jusqu’au bout de lui-même”, disait-il, quand nous lui proposions de prendre du repos : se reposer eût été s’émousser. L’électricité sortait comme d’un paratonnerre de tous les angles de son génie individualisé jusqu’à la rupture.
Il fut pendant trois quarts de siècle l’âme du Moment, même quand il cherchait à échapper au Temps, qui collait à lui. Sa vie ne connut que cette constante, ne fut qu’une longue répétition de son Jeune Homme et la Mort. »
(Paul Morand, « L’enfant Septentrion », Cahiers Jean Cocteau, 1969.)