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Couverture de l’édition illustrée de 1930.

Un « livre blanc » c’est, en langage administratif, un recueil de documents de référence destiné à permettre de prendre des décisions sur un sujet de fond. Le livre de Cocteau se propose d’être un « livre blanc » de l’homosexualité, non certes en réunissant une mosaïque de documents variés sur le sujet, mais en exposant les principaux événements d’une vie anonyme marquée par cette orientation particulière que la société réprouve.
Dans la perspective du genre, ce choix « documentaire » est une limite. Elle en entraîne de nombreuses autres d’un point de vue littéraire, de sorte que Cocteau peut écrire, dans la préface à la traduction anglaise de 1957 : « Trop de limites rendent Le Livre blanc inapte à paraître sous ma signature, […] ».

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Délibérément limité par Cocteau, Le Livre blanc l’est de plusieurs façons.
Il est limité sur le plan de l’histoire, puisque le récit de vie proposé se restreint en se spécialisant aux choses du cœur et du sexe, à la manière d’une déposition.
Il est limité sur le plan du discours, puisque le narrateur, pour mieux laisser parler les faits, « raconte et ne se raconte pas » (préface de 1957), se cantonne à peu près à un rôle de témoin, ne développe pas tout et laisse au lecteur le soin de juger.
Il est limité aussi sur le plan du style, d’une « platitude » délibérée, très loin de la conversation drôle, spirituelle et imagée de Cocteau, puisqu’il s’agit de porter l’attention du lecteur sur des faits. Platitude relative certes, « feinte simplicité » consistant, selon la perspective classique défendue par l’écrivain dans Le Rappel à l’ordre (1926), à « obtenir à force de travail un air de facilité ». Style très étudié en réalité, pour un lecteur comme Gide (Journal, note du 11 octobre 1929).