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Début du chapitre « Des distances », paru en préoriginale dans La Revue de Paris, 1, janvier 1953.

Déjà dans Le Secret professionnel (1922), Cocteau invoquait l’aptitude du poète, « que rien ne limite », à rapporter « quelquefois une perle de profondeurs où le savant prouve qu’il est impossible de descendre », à « toucher plus juste et plus loin que toute science ». Il ajoutait : « La science lente, qui marche en comptant ses pas, se trompe. Elle semble ne pas gêner beaucoup l’inconnu. Il la laisse assez tranquille. » Science, philosophie, occultisme « pataugent au bord » de la mer de l’inconnu. Au contraire, « l’homme qui joue au jeu de l’art se mêle de ce qui le regarde avec le risque d’ouvrir une brèche sur ce qui ne le regarde pas. »
La même conviction anime Journal d’un inconnu. S’il regrette ici et là de n’avoir pas « l’aisance professorale », Cocteau assume son absence de culture scientifique sur les sujets dont il parle (l’infini, l’espace-temps, la vitesse, la perspective, la matière…) : « Un poète est libre de ne pas suivre les rails de la science. » Ce qu’il se propose dans cette « manière de Journal » reflétant des réflexions faites au fil des jours, c’est de promener sur les énigmes de l’inconnu la « canne d’aveugle » de son intuition de poète.