L’album raconte à sa manière l’aventure de la désintoxication, ses souffrances, la convalescence (cinq dernières planches). L’inspiration autobiographique de l’album se vérifie dès le frontispice, qui reproduit avec fidélité, au-dessus d’une main gauche aux lignes de cœur et de chance bien visibles, la maquette de vaisseau posée sur la table de travail de Cocteau dans sa chambre parisienne du 10 rue d’Anjou, photographié en 1922 par Man Ray et présente dans deux autres dessins du recueil.
Partir, s’embarquer dans les voyages de l’opium, est la tentation à laquelle la cure de désintoxication devrait le faire renoncer : « Dans tous les dessins où le navire du frontispice est représenté, le personnage du premier plan ne lui prête aucune attention », écrit Pierre Chanel dans sa présentation de la réédition chez Fata Morgana (2001). Il ajoute :
« Dès le troisième dessin, un personnage coupé en deux dans le sens de la hauteur affiche l’évidence d’une individualité divisée, d’où, dans les images suivantes, un grand renfort de bandages, de sangles qui tentent de préserver ou de retrouver l’unité. Le dessin de deux têtes divergentes, qu’une dérisoire épingle de nourrice est impuissante à faire coïncider, porte une inscription volontariste qui deviendra une réplique du héros à la neuvième scène de la pièce Orphée (1926) : “À l’impossible je suis tenu”. »
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Cocteau, qui a scruté dans son album précédent le « mystère » de Jean l’Oiseleur (mystère du poète qui prend au piège les messages de l’invisible), montre ici « l’oiseleur oiselé », pris au piège de sa souffrance, des illusions de l’opium (« Nous devenons des pieds à la tête un mensonge », écrit-il dans sa Lettre à Jacques Maritain), et désireux de trouver une issue. Il pense alors la trouver dans un retour au catholicisme, que plusieurs dessins évoquent, comme celui légendé « Max, Pierre, priez pour moi », allusion à Max Jacob et Pierre Reverdy, écrivains et amis qui l’ont précédé sur ce chemin de la conversion religieuse.