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Photographies de plateau prises durant le tournage.

Les années 1947-1948 sont pour le poète des années professionnelles fastes. Le tournage des Parents terribles commence le 28 avril 1948, soit trois mois à peine après la fin des extérieurs de L’Aigle à deux têtes dont le montage s’achève tout juste. Entièrement réalisé en studio dans des décors peu nombreux, avec seulement cinq personnages, ce film concentré offre à Cocteau les conditions de travail qu’il aime.
Pour la première fois depuis Le Sang d’un poète, il jouit d’une liberté totale et mène le film à sa guise. Son projet, on le sait, est double. D’une part, il brûle de fixer l’interprétation jugée miraculeuse qu’Yvonne de Bray, Jean Marais, Gabrielle Dorziat et Marcel André donnèrent, en 1941, au théâtre du Gymnase. D’autre part, l’autre projet est d’expérimenter cinématographiquement la théâtralité, de filmer du théâtre et non de faire du théâtre filmé, de regarder une pièce, respectée à la lettre, renforcée même dans sa structure dramatique, en plein visage, avec cette impudeur révélatrice dont Jean Cocteau fait le propre du cinéma. C’est évidemment par cet aspect que le film apparaît aujourd’hui comme le plus inventif. Dans Les Parents terribles, l’œil de la caméra fouille les secrets de cette famille soudain mise en face de sa vérité et, avec un grossissement qui en accuse l’obscénité, les livres au spectateur. Le moment du film qui élève ce regard au niveau de l’évidence est resté célèbre dans l’histoire du cinéma français. Il s’agit de la séquence où le jeune homme avoue à sa mère, placée devant lui et cadrée dans le même plan, son amour pour une jeune fille. Cocteau, alors, ne montre dans la partie supérieure de l’image, qu’une bouche qui parle et qui sourit, et dans la partie inférieure, que deux yeux qui écoutent et qui souffrent. La création de cette figure disloquée, de ce visage à l’envers comme le dit si justement l’expression familière, relève du travail allégorique. Cette gueule cassée, dont on pourrait dire que la vérité est picassienne, donne en effet la clé de l’esthétique du film. Esthétique toute d’impudeur, où le regard prime la parole et, souvent, la dénonce.

La réception du film gardera indirectement, à cause de son sujet, un parfum de scandale. Lors de la sortie, la critique parisienne se montre généralement élogieuse. Plusieurs pays néanmoins, dont la Suisse, refuseront d’en autoriser la projection sur leur sol. Nul doute que ces certificats de mauvaise vie et mœurs, ces brevets de répugnance aient conforté chez le poète le sentiment d’appartenir à la race noble des artistes maudits qu’il faut à tout prix abattre.