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Spectacles / Cinéma

Ruy Blas

Présentation

Pendant le tournage, Cocteau explique son point de vue au metteur en scène et à l’interprète.

Comme La Belle et la Bête ou encore L’Aigle à deux têtes, Ruy Blas repose en grande partie sur un phénomène de gémellité. Dans la pièce de Victor Hugo, en effet, la ressemblance physique entre Ruy Blas et Don César est si grande qu’elle permet quiproquos et confusions. En radicalisant cette ressemblance et en donnant à Jean Marais les rôles du brigand grand seigneur et de l’étudiant pauvre, Cocteau poursuit cette longue méditation sur le double qui est l’un des aspects principaux de la thématique de son œuvre.
La pièce de Victor Hugo se trouvera modifiée de façon importante : sans parler d’une dramaturgie clarifiée ni des « aérations » auxquelles le cinéma incite, le changement essentiel réside dans la modification de la langue. Cocteau, auteur de ce qui, dans le générique, est désigné sous le nom de « paroles », a, selon son expression, « déversifié » la pièce. Il s’agissait, pour les personnages, d’user d’une langue très parlée obtenue « en desséchant le texte », sans détruire cet élan, cette vague lyrique tellement caractéristique des vers de Victor Hugo.
Le tournage, commencé en juin, se poursuivra jusqu’en août 1947. Mais il est clair depuis longtemps que ce film, dont Cocteau avait rêvé qu’il ferait revivre sur un écran de lumière les velours, les fraises, tout l’empesé funèbre et cruel de l’Espagne du Gréco et de Velásquez, n’est qu’un film d’aventure ordinaire, le premier de ces films de cape et d’épée où Jean Marais, empoignant la crinière qui allait l’emmener vers le succès du Capitan et du Bossu, entrait sans le savoir dans sa nouvelle image.
Le film sortira à Paris le 18 février 1948, et le succès sera au rendez-vous. La critique accuse toutefois fort classiquement Cocteau d’avoir « trahi son modèle ». Il ne s’en émeut guère, car il en a l’habitude. Aujourd’hui, plus de soixante ans après, plane toujours sur le film de Pierre Billon l’ombre de Jean Cocteau. Les éditeurs de D.V.D. affichent en gros sur les jaquettes les noms des deux Jean, reléguant celui du réalisateur à une figuration plus modeste, sur le même arrière-ban que les acteurs de seconds rôles et les techniciens.