Dans ce volume de 345 pages que termine une bibliographie en neuf pages de « poésie critique » (incomplète cependant), Cocteau propose au lecteur de l’accompagner dans sa démarche de poète au fil d’un XXe siècle artistique dont il a contribué à écrire l’histoire. L’ordre des textes suit approximativement l’ordre de leur publication, avec des entorses. La plus visible concerne la longue étude de 1939 sur Rousseau, emblème du poète persécuté : elle est significativement placée en fin de volume, en guise de portrait indirect de Cocteau. On notera que la musique, le théâtre et le cinéma sont peu représentés dans un panorama resserré sur la littérature et la peinture (Picasso, Chirico, Le Greco, Modigliani, Bernard Buffet).
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Trois noms devenus à la longue inséparables dans le cœur de Cocteau ouvrent la série de portraits : Apollinaire, Picasso, Max Jacob. Les « ennemis intimes » sont là : Breton et les surréalistes dans l’ombre de l’essai sur le peintre Chirico ; Gide, à qui Cocteau réplique dans l’article sur Verlaine et dans le « Gide vivant » publié après sa mort. Quelques absences peuvent surprendre : celle de Blaise Cendrars, celle de Radiguet surtout, « maître » souvent cité. Sans doute est-il éclipsé ici par Gide, dont l’influence sur Cocteau n’est, malgré leurs désaccords, pas contestable.
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Dans ce raccourci subjectif du siècle, Cocteau écarte les textes consacrés à des auteurs de second rang, auxquels les Œuvres complètes faisaient une place, seraient-ils des « grands talents de petite zone » (Le Passé défini, 30 décembre 1955) comme Gaston Leroux ou Louise de Vilmorin. Il privilégie les grands artistes, ce qui contribue à donner au recueil un air un peu monumental. Avec des exceptions, en faveur de Jean Desbordes par exemple… signe du jusqu’auboutisme du poète, seul contre tous à défendre le « génie » de son ami, auteur de J’adore (1928) et des Tragédiens (1931).