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Couverture de l’édition « définitive » de 1924 chez Stock. Pour ce livre de convalescence, Cocteau écrit un « prospectus » mode d’emploi, qui s’ajoute à deux préfaces et deux postfaces. Si le malade guérit de ses idées frivoles sur l’art, la fièvre du prospectus, dont il entoure fréquemment ses œuvres suivantes, le gagne pour de longues années.

Le Potomak s’ouvre sur un « Prospectus », titre qui peut sembler curieux : Cocteau aurait aimé emballer son livre dans une notice fixée au livre par un système de brochage adéquat, comme à l’époque on emballait dans leur mode d’emploi ou du papier journal les fioles médicinales, dans les pharmacies de province. C’est en effet un livre de convalescence, qui raconte une douloureuse crise d’identité et de vocation, une de ces maladies bénéfiques survenues « comme à la suite d’un vaccin ». Des Eugènes, microbes de l’âme, ont attaqué les certitudes de l’auteur, l’ont guéri d’une littérature qui « sentait furieusement le factice et le renfermé ». Il en sort métamorphosé : « Persicaire, dans ce livre un soprano se brise, un animal sort de sa peau, quelqu’un meurt et quelqu’un s’éveille. » Les personnages portent des noms de plantes médicinales (Persicaire, Bourdaine, Argémone, Canche…) ; il existerait même, d’après Gide, une « plante Eugène ».

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Le « Prospectus » explique comment se servir du livre, aussi comparé à une « feuille de température ». Deux dédicaces à Igor Stravinski le flanquent au début et à la fin, qui parlent toutes les deux du printemps, saison de sève et de vie, où les arbres se remettent à pousser. Puis viennent une préface intitulée « Après coup », une postface intitulée « Postambule ». Dans Le Potomak, l’esprit de prospectus gagne Cocteau, qui n’en finit pas de s’expliquer sur un moment de sa vie aussi dramatique que miraculeux.

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En 1921, pour un projet de réédition du livre aux éditions de la Sirène qui n’aboutit pas, Cocteau avait prévu une nouvelle préface (publiée dans Autoportraits de l’acrobate, Fata Morgana, Montpellier, 1995). La maladie est loin, mais le voyage continue. La préface donne le raccourci d’une carrière sur le fil, de livre en livre : Le Potomak, « drôle comme on chante pour se donner du cœur dans le noir » ; Le Cap de Bonne-Espérance, « œuvre longue d’ordre épique », « grosse par-dessus, subtile par-dessous » ; Parade, avec Picasso et Satie « qui se connaissent à peine » et qu’il réunit ; Le Coq et l’Arlequin, en faveur d’une « musique à l’emporte-pièce », livre « trop en ligne droite et de ce fait inaccessible aux esprits voilés (lire voilé dans le sens : roue voilée) ». Et tout le reste, dont Les Mariés de la Tour Eiffel, « où il invente une poésie pour être vue de loin », et « de nombreux exercices à suivre ».