« Je vous confierai une petite expérience faite sur Opéra, que je considère comme le type du livre invendable. Par politesse, et pour m’excuser auprès de certains libraires de leur imposer une besogne ingrate, je leur avais fait remettre des dessins de moi, au lieu d’envoyer le livre aux critiques, le temps dont ils disposent ne leur permettant pas de résoudre des énigmes. Opéra s’est vendu comme un livre dit de vente…
Depuis la guerre, des jeunes gens très cultivés et très actifs prennent place dans les librairies. Leur aide sera plus précieuse à l’écrivain que tous les articles. Un article aimable écoule dix exemplaires ; un article d’engueulade, cinquante exemplaires. Un libraire, qui s’occupe d’un livre, peut vendre cent exemplaires par jour. »
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L’année suivante, face à une presse réticente ou hostile, Cocteau va encore plus loin dans l’utilisation des libraires pour faire vendre J’adore, de Jean Desbordes, livre qu’il a non seulement préfacé mais retouché, et qu’il soutient de toutes ses forces : « Cocteau va chez les libraires et leur demande de faire des étalages avec des exemplaires de J’adore et des dessins de lui, des photos qu’il leur apporte. Comment lui résisterait-on ! » (Maurice Martin du Gard, Les Mémorables, tome 2 [1924-1930], Flammarion, Paris, 1960).