La Mort apparaît dans une seule scène (scène VI) : accompagnée par deux aides habillées en chirurgiens, elle pénètre par un miroir dans la maison d’Orphée, habillée en robe de bal sous un manteau de soirée, pour prendre l’âme d’Eurydice empoisonnée par la reine des Bacchantes. L’opération se fait en blouse blanche et les yeux bandés, au moyen d’un fil blanc relié à un appareil à ondes réglables, qui crisse et émet des lueurs violettes. Maquillée en arrivant, elle se remaquille en partant.
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Pour jouer la Mort, Cocteau fait appel à Mireille Havet (1898-1932), une jeune comédienne amateur étrangère à la troupe des Pitoëff, mais qui partage avec le poète l’expérience de la drogue et de l’homosexualité, et dont l’interprétation sera très remarquée. « La maigreur distinguée de Mlle Mireille Havet, son ton autoritaire et cassant, sa manière de procéder, rapide, hygiénique et précise, renouvellent du tout au tout l’humour macabre » écrit par exemple André Levinson (L’Art vivant, 1er août 1926).
Un fonds Mireille Havet annexé au fonds Cocteau de Montpellier réunit, outre les cahiers manuscrits de son journal intime (publié par Claire Paulhan, 2003-2010), des papiers divers et de coupures de presse, un ensemble de documents liés à sa présence dans Orphée.
Les notes de jeu prises par la jeune femme montrent que tous les déplacements de la Mort sont minutieusement réglés, pour arriver à une grande précision et économie de gestes. Aucune explication sur le sens de la scène, aucune indication d’ordre psychologique, aucun appel aux affects, comme on en trouve dans les notes de répétition. Le réglage de la scène repose avant tout sur une manière d’occuper l’espace.