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« Le dictateur Adolf, en gabardine »… Extrait du premier chapitre de La Fin du Potomak (1939).

Fin septembre 1938, les accords de Munich enregistrent la démission des démocraties française et anglaise devant les revendications de l’Allemagne hitlérienne sur le territoire des Sudètes en Tchécoslovaquie, que les troupes du Reich occupent à partir du 1er octobre.
Si Cocteau ne s’exprime pas sur ces accords dans la presse (sa chronique régulière dans Ce Soir s’interrompt en juillet 1938), sa participation aux angoisses du temps se lit dans deux œuvres de l’époque, L’Incendie et La Fin du Potomak. Elle est amplifiée par sa peur de perdre Jean Marais, mobilisable en cas de guerre, avec qui il vit depuis un an une liaison stable et heureuse (ils se sont installés en avril dans un appartement place de la Madeleine).
L’Incendie, ample poème écrit en septembre 1938, publié dans La N.R.F. en mai 1939, englobe le drame personnel dans la perspective générale : « voir crouler le doux monde antique », « géographie effrayante », « sinistre jeu de l’oie »… « Est-ce demain, après-demain, l’apocalypse ? » La guerre est dénoncée assez indirectement, par l’allégorie et la dérision, sans référence directe à l’actualité internationale, mais la portée du poème de Cocteau ne trompe pas : « C’est pour la première fois », note Roger Lannes dans son journal le 4 mai 1939, « une rencontre de sa poésie avec la tragédie du monde extérieur. »
La Fin du Potomak en revanche, roman à clés lui aussi allégorique, écrit d’un jet en avril 1939 et publié en février 1940, met en scène le Führer dès le premier chapitre. Cocteau choisit l’éclairage du burlesque et de la dérision pour charger à la fois le « dictateur Adolf » et ses si faibles adversaires. Un dictateur qui, honte à l’insoucieux public français, mais par « un de ces phénomènes de rassemblement », d’hypnose des foules, qui fait la gloire d’un artiste, partage l’affiche de l’actualité avec Charlie et le chanteur Octave Célestin, alias Maurice Chevalier.
Dans la brève préface, Cocteau écrit que son livre, « écrit la veille de la guerre » « dans une sorte d’hypnose et au bord du vide », doit être lu « sous cet éclairage fatal ».