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Début d’un des trois articles réunis dans le chapitre sur Proust, mort en 1922.

Le chapitre sur Proust assemble trois textes déjà parus et réédités, le premier dans Opium (1930), les deux derniers dans le volume X des Œuvres complètes chez Marguerat. Notons en passant que Cocteau n’a jamais republié son tout premier article sur Proust, paru dans L’Excelsior du 23 novembre 1913 et consacré à Du côté de chez Swann.

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« Nous deux Marcel. Notes sur Proust (retour de la mémoire) », extrait d’Opium (1930), évoque quelques souvenirs de l’œil et anecdotes révélatrices d’une amitié prise dans le régime de « flatterie jointe au reproche » qui formait la « méthode amicale » de Proust.

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« La voix de Marcel Proust », bel article écrit pour le numéro d’hommage de La N.R.F. en 1923, fait sentir les ponts existants entre l’œuvre et la conversation du « grand écrivain ».
Il y récuse aussi avec pénétration « l’erreur qui consiste à croire que la vie de Marcel Proust se partage en vie mondaine et vie solitaire, en première période et seconde période » : « Cette vie mondaine à laquelle il tenait plus que tout et que des critiques prirent pour une récréation, était le milieu même de sa rosace. »
Dans Proust : le dossier (1985) Jean-Yves Tadié a fait le point sur cette question et noté le ralliement de la critique au jugement de Cocteau.

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« La leçon des cathédrales », initialement paru dans la revue Fiat (n° 21, avril-mai 1938), raconte la dernière visite à l’écrivain qui vient de mourir, et le spectacle de la « haute pile inégale de cahiers d’école », « cathédrale de papier » qui s’élève à ses yeux tandis que s’évanouit la chambre du mort : « l’œuvre complet de notre ami ».

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Dans les nombreux textes consacrés à Marcel Proust après 1940, Cocteau se montrera de plus en plus sensible aux opérations architecturales d’À la recherche du temps perdu, à tout un « échafaudage » de chiffres et de calculs qu’il retrouve aussi dans sa voix. Citons ici un passage de « La conversation », article publié en anglais dans Time Life en juillet 1948, et dans sa version française (longtemps ignorée) dans Vingt-huit autoportraits écrits et dessinés (présentés et annotés par Pierre Caizergues, Écriture, Paris, 2003.)

« Swann, Odette, Gilberte, Albertine, Oriane, Vinteuil, Elstir, Françoise, Mme de Villeparisis, Charlus, la reine de Naples, les Verdurin, Cottard, Morel, Rachel, Saint-Loup, la Berma, que me veulent ces fantoches ? Je touche la carcasse qui les accointe, les joints de leurs rencontres, la haute dentelle de leurs trajets. Plus m’y frappe l’enchevêtrement des organes que celui des sentiments, l’entrelacs des veines que la chair. J’ai l’œil d’un charpentier sur l’échafaud du roi. Les planches m’intéressent davantage que le supplice.
Or tout cet entrelacs dont je parle est l’image absolument exacte de la voix de Proust et de sa manière d’enchevêtrer les phrases, de les traîner, de les superposer, de les perdre et de les reprendre après avoir eu l’air d’en casser le fil. »