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Manifestation Sic (1917) : Les Mamelles de Tirésias d’Apollinaire. Spectacle Les Mariés de la tour Eiffel (1921). Distribution d’Orphée (1926). Récital Jean Cocteau au Studio Isadora Duncan (1926). Dessin pour le Rideau de Paris (1933). Texte pour La main passe de Feydeau, mis en scène par Marcel Herrand en 1941.

Le premier document montré est l’un des plus anciens du fonds Cocteau : le programme de l’unique représentation des Mamelles de Tirésias, « drame sur-réaliste en deux actes et un prologue » de Guillaume Apollinaire, créé au Théâtre Maubel le 24 juin 1917 dans une mise en scène de Pierre-Albert Birot (un mois après la création de Parade). Le prospectus est signé par le metteur en scène et les interprètes, parmi lesquels Marcel Herrand (1897-1953), qui joue le rôle du mari. Au verso figure le texte Zèbre de Jean Cocteau.

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Dans les années vingt, Cocteau confie plusieurs rôles de premier plan à Marcel Herrand. En 1921, il joue un des deux phonographes du ballet Les Mariés de la tour Eiffel. En 1924, il joue le premier rôle masculin dans Roméo et Juliette au théâtre de la Cigale. En 1926, il est Heurtebise dans la première distribution d’Orphée au théâtre des Arts (rôle repris par Cocteau en juin 1927).
Le tout premier article de Carte blanche fait en 1919 l’éloge du comédien. Pour la reprise de la série d’articles dans Le Rappel à l’ordre en 1926, Cocteau l’enrichit de références aux rôles du comédien dans ses pièces récentes :
« L’esprit nouveau agite toutes les branches de l’art. De jeunes acteurs se mettent au service de la poésie moderne. Marcel Herrand (qui créa Les Mamelles de Tirésias et différents rôles masqués du Dit des jeux du monde [1918], ensuite Les Mariés de la tour Eiffel [1921], Roméo [1924] et Mouchoir de nuages [1924] de Tzara) fut le premier à nous surprendre par son rythme, sa voix droite et son mépris de l’effet. Gestes, intentions, bêlements, cris, sourires, nuances sous chaque syllabe, jeux du timbre, disparaissent ici pour faire place à une lecture typographique. Un noir d’encre. Les mots nets se détachent de la page l’un après l’autre. L’acteur ne substitue pas son émotion à celle du poète. Il le sert au lieu de s’en servir. »

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L’éloge s’adresse aussi au diseur de textes qu’est Marcel Herrand. Au cours du récital Jean Cocteau organisé le 14 septembre 1926 à Nice, le comédien, qui reprend le rôle du Phono 1 des Mariés de la tour Eiffel, dit aussi le grand poème L’Ange Heurtebise d’une manière qui satisfait complètement le poète (« Herrand le lit à merveille », dira-t-il en 1951 au micro d’André Fraigneau). L’acteur aura plusieurs fois l’occasion de refaire cette lecture, par exemple en janvier 1945 à la Loggia, 21, quai Voltaire à Paris, au cours d’une séance où Cocteau dit Léone et Maria Casarès Plain-Chant.
En décembre 1951, Herrand demande aussi à Cocteau de pouvoir lire à la radio Le Cap de Bonne-Espérance (cinq émissions prévues) : « Herrand a dit L’Ange Heurtebise comme personne. Il dira fort bien Le Cap [de Bonne-Espérance] », écrit le poète (Le Passé défini, I), qui vante la « voix d’encre » de Marcel Herrand dans sa préface à la série d’émissions.

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Côté théâtre et cinéma, notons que Cocteau fait les décors et costumes d’une pièce de Feydeau mise en scène par Marcel Herrand en février 1941 au Théâtre des Mathurins, La Main passe (Herrand a fondé en 1929 la compagnie du Rideau de Paris avec Jean Marchat, et tous les deux succèdent à Pitoëff en 1939 à la direction du Théâtre des Mathurins). Il s’en explique dans un beau texte publié dans le programme (montré ci-contre d’après la réédition dans les Cahiers Jean Cocteau, n° 10,1985).
Autre collaboration : en 1947, Herrand est Don Salluste dans le premier film de cape et d’épée de Cocteau, Ruy Blas, adapté du drame espagnol de Victor Hugo.
Si la carrière théâtrale de Marcel Herrand a été longue, les cinéphiles ne l’ont pas oublié non plus, en particulier pour ses deux rôles les plus marquants : le baron Hugues des Visiteurs du soir 1942 et le Lacenaire des Enfants du paradis (1945), deux films de Marcel Carné et Jacques Prévert.