« Poèmes, pièces, livres, etc. C’est le silence ou l’insulte. […] J’ai connu le succès véritable avec Le Secret professionnel, Les Enfants terribles et Les Parents terribles. Ce dernier succès, je l’ai payé cher. Le reste s’est imposé, s’est infiltré, en cachette, par-dessus et par-dessous les obstacles » (Journal 1942-1945, note du 3 mai 1943). Ci-dessous quelques extraits du texte.
« Le style ne saurait être un point de départ. Il résulte. Qu’est-ce que le style ? Pour bien des gens, une façon compliquée de dire des choses très simples. D’après nous : une façon très simple de dire des choses compliquées. Un Stendhal, un Balzac même (celui du Père Goriot, de La Cousine Bette) essayent avant tout de faire mouche. Ils y arrivent neuf fois sur dix, n’importe comment. C’est ce n’importe comment, vite à eux, qu’ils adoptent selon les résultats obtenus, cette manière d’épauler, de viser, de tirer vite et juste, que je nomme le style. »
« Tant pis pour ceux qui ne reconnaissent un poète qu’à des signes extérieurs. La forme de la pensée, un nombre limité de problèmes, un petit vocabulaire simple, l’angle de vision (véritable style) sont ceux par quoi il se distingue des autres. »
« L’attitude maudite a fait du maudit un privilégié, un protégé, aujourd’hui que la place maudite se recherche. Peu l’obtiennent. Les jeunes ne se rendent pas compte que le public ne possède aucun jugement et que ce n’est pas seulement par lui qu’il convient d’être maudit, mais par l’avant-garde. »
« Selon nous, le poète ne fera pas d’art d’après l’art. Il usera du véritable réalisme, c’est-à-dire qu’il accumulera en lui des visions, des sentiments (je compte le bagage prénatal) et au lieu de s’en servir à la hâte, au risque d’émouvoir par un chantage comme un brillant journaliste, les laissera tranquilles. Ainsi se formera, peu à peu, un amalgame, un magasin de rapports inattendus. »
« Voilà le rôle de la poésie. Elle dévoile, dans toute la force du terme. Elle montre nue, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement. »