Lettres et arts / Artistes

Al Brown

Le poète et le boxeur

Présentation de l’article de Robert Cantwell, « The poet and the boxer » (p. 62-65), et Georges Peeters, « How Cocteau managed a champion » (p. 66-72), illustré par Philip Hays (Sports Illustrated, 2 mars 1964, n° 9). Hors la préface et les illustrations, le texte est extrait et adapté du livre de Georges Peeters, Monstres sacrés du ring, 1959.

« Écoutez les “anciens” parler d’Al Brown. Ils vous diront la grâce de cette longue liane de luxe qui flottait sur les rings au gré des esquives comme flottent au gré des courants ces plantes de mer carnivores et trop belles. Cocteau vit Al Brown et chanta le miracle. »
(Jean Cau, « Robinson boxe comme on chante un spiritual », Le Figaro littéraire, n° 913, octobre 1963)

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Cocteau écrivit un poème à la gloire d’Al Brown, sans doute au lendemain de la victoire. Ce texte ne fut pas édité et resta à l’état de manuscrit, raturé, perfectible peut-être. La feuille, trouvée dans les papiers du poète après sa disparition, fut aimablement transmise par Édouard Dermit à M. Pierre Caizergues :

« La Balance

Contre la haine, l’ombre et le jeu des rapines :
Le calme, le destin, la couronne d’épines.
La franchise, la danse et le choc du départ.
Le ratier, à la fin, s’attaque au léopard.
La rage de l’échec, la victoire factice
Et le couronnement final de la justice.
D’un côté le désordre et l’altercation
Et de l’autre l’instinct de conservation.
Cet instinct sous sa forme humaine la plus haute,
Victorieux du mal, du noir et de la faute.
L’âme blanche de Brown calculant et dansant
Une danse de mort, de vengeance et de sang.
Al Brown sortit vainqueur par la force des règles
Car les vautours seront les victimes des aigles.
Le ring environné de tombes et d’amis,
Et cet homme debout parce qu’il l’a promis.
Un sang pur racheta le drame de Valence,
Et la légèreté fit pencher la balance. »

(Poème publié dans la thèse de René Gnalega Makagnon, Jean Cocteau, l’Afrique et le Monde noir, soutenue à l’université Paul-Valéry Montpellier III, en octobre 1991.)

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« Il y avait chez ce Noir une manière de poésie. Cette poésie exaspérait la foule qui la méprise et la flaire sous toutes ses formes. Il me plaisait de le conseiller et de le voir traduire mes luttes morales dans le registre physique. »
(Jean Cocteau, Le Cordon ombilical : souvenirs, Plon, Paris, 1962.)