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Publié aux Éditions Guillot (Paris) et tiré à 150 exemplaires, l’ouvrage comprend vingt-cinq burins de Foujita. Photographie : Jean Cocteau et Marcel Khill en compagnie de Foujita et d’un sumotori, lors de leur bref séjour au Japon, en mai 1936.

« Lorsque je revenais du Tour du Monde, en 1936, j’étais accoudé sur le pont du navire avec Charlie Chaplin. Nous approchions du Golden Gate. Chaplin posa la main sur mon épaule et murmura près de mon oreille : “Nous rentrons chez les sauvages.”
Encore gorgé de spectacles nobles, nous revenions dans le monde occidental, où la politesse orientale et ses mille nuances demeurent lettre morte.
[…]
Pendant plusieurs siècles, le Japon, pour défendre ce prodige d’élégances, de démarches, de parfums reconnus entre mille, de sentiments (ceux des Samouraïs par exemple transcendant toutes les formes de l’amour), de suicides après la moindre ombre sur le cœur, de théâtres où la transposition des sexes ne prête point à rire, de jeunes femmes d’une grâce si parfaite qu’on les dirait marchant immobiles sur une terre qui se déroule sous elles, bref, pendant des siècles de secrets jalousement gardés et protégés contre le progrès où l’âme prétentieuse déprogresse, le Japon a ouvert ses portes.
Seulement, on ne gaspille pas vite un trésor accumulé depuis plusieurs siècles et les temples embaument le monde brutal qui les brûle, et le dragon tourne autour de l’île, protégeant la richesse invisible et la troupe de spectres contre lesquels les plus terribles bombes ne peuvent rien. »
(Jean Cocteau, préface au Dragon des mers, 1955.)