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Entretien de Jean Cocteau dans la revue La Paix du monde en 1951. Message en tête du programme de la Conférence des sommets en 1961.

La revue La Paix du monde, sous-titrée « contre la guerre sous toutes ses formes », publie en 1951 un entretien de Pierre Peter avec Cocteau. Le poète y exprime des convictions qu’il aura plusieurs fois l’occasion de réaffirmer au cours des années cinquante, par exemple dans Les Armes secrètes de la France, discours prononcé à l’auditorium du pavillon de la France lors de l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles le 20 septembre 1958, peu avant l’élection du général de Gaulle à la présidence de la République française :

« Hélas, on constate que plus les moyens de correspondre se perfectionnent et les sources d’information, moins les hommes s’entendent et veulent s’unir.
Un sombre antagonisme règne parmi le mélange d’individualités égocentriques et contradictoires dont se compose une masse idéologiquement soucieuse d’entente.
Puisse le destin pousser notre épave d’amour fraternel vers des climats non contaminés par les poisons que saigne l’arbre de science et qu’il destine aux curieux qui veulent escalader ses hautes branches.
Fasse le destin que ce timide besoin de correspondre dont je vous parlais nous conduise vers un havre d’amour où la peur ne portera plus le nom de paix, où l’on n’exigera pas la suppression des armes atomiques afin de rendre la guerre possible, mais afin de la rendre impossible, où l’on ne parlera pas de bombe propre, c’est-à-dire ne tuant que les autres, où l’on ne fera plus le procès des criminels de guerre, mais celui du crime de la guerre, où la curiosité féminine des hommes n’ouvrira plus la porte interdite derrière laquelle pourrissent les femmes de Barbe-Bleue. “Ne vois-tu rien venir ?” Je voudrais voir venir un cavalier qui galope avec une colombe sur l’épaule et un rameau d’olivier à la main. »
(Jean Cocteau, Les Armes secrètes de la France, repris dans Poésie critique II, 1960)

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La paix dans le monde, c’est aussi la réconciliation entre la France et l’Allemagne. Le Passé défini donne une relation enthousiaste des deux séjours successifs de Cocteau dans ce pays en 1952. En 1958, pour l’émission « Place de l’Europe », célébrant le 8e anniversaire de la Communauté européenne et réunissant des représentants de la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, Cocteau envoie à ses « chers amis allemands » une « bouteille à la mer […] sur l’océan des ondes » (France Inter, 8 mai 1958, texte repris dans « Cocteau et la radio », Cahiers Jean Cocteau, nouvelle série, 8, 2010). Voici la fin :

« Il n’y a pas plusieurs Allemagnes mais l’Allemagne ainsi que la France se montrent sous divers angles accidentels qui lancent des éclairs propres à échauffer les griefs d’une interminable scène de ménage entre nos deux pays.
L’Allemagne représente à mes yeux le sommet où me conduisent les escaliers solennels de Jean-Sébastien Bach, où m’escortent les routes paysannes et les fanfares triomphales de Beethoven et de Wagner, où Schoenberg et Webern m’ont ouvert les énigmes mallarméennes du dodécaphonisme.
Et voici mon message : il faut aimer aimer et ne haïr que la haine.
Le génie est la seule arme secrète à longue portée qui échappe aux enquêtes. À bas la peur. Vive la Paix. »

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Placée sous le haut patronage du gouvernement belge, la Conférence des sommets (Cultural top conference) s’est tenue à Bruxelles en septembre 1961 avec pour objectif d’apporter une contribution constructive à la compréhension entre les peuples et à la solidarité humaine universelle. Cocteau figure dans le comité d’honneur et son message, reproduit en fac-similé du manuscrit, figure en tête du programme de la conférence.