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« Jean Cocteau s’adresse aux jeunes savants » : ses Notes autour d’une anamorphose sont publiées dans Le Monde et la Vie (n° 95, avril 1961) avec une introduction d’Aimé Michel.

Face à une « science officielle » qu’il juge conformiste, Cocteau donne ostensiblement son appui à une « jeune science » parallèle, qui travaillerait avec talent sur les fronts de l’inconnu dans les marges inexplorées d’un savoir qui souvent s’aveugle et « déprogresse ».
Aimé Michel, pionnier français de la recherche « ufologique » (il est l’intervenant principal d’un documentaire que l’O.R.T.F. diffuse en 1965 sur les soucoupes volantes), fait partie de ces savants auxquels la société refuse le titre. Cocteau avait prévu de préfacer un de ses livres, Lueurs sur les soucoupes volantes (Mame, Tours, 1954). Le projet n’aboutit pas, mais l’article publié par Aimé Michel dans Le Monde et la Vie témoigne de leurs échanges.

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Dans ses interventions publiques et jusque dans Le Discours d’Oxford (1956), Cocteau cite volontiers, pour justifier le crédit qu’il accorde à ces explorateurs de l’au-delà ou du paranormal, une anecdote que lui raconte un certain Dr Pobers, de l’université d’Utrecht en Hollande, le jour où il vient lui rendre visite (27 juillet 1954).
Il s’agit de parapsychologie. Dès 1952, la Parapsychology Fondation Inc., présidée par Eileen J. Garrett, encourage des recherches dans le monde entier. Après un 1er Colloque international de parapsychologie à l’université d’Utrecht (« La Science et le paranormal », 30 juillet-5 août 1953) ont lieu des Entretiens de Saint-Paul-de-Vence (20-30 avril 1954), que Cocteau suit avec attention. L’ensemble est réuni et publié en 1955 par Robert Amadou, auteur de La Parapsychologie (Denoël, 1954), avec qui Cocteau est aussi en relation.
Le passage ci-dessous vient d’une émission de radio suscitée par la publication de Clair-obscur. Cocteau s’entretient avec le poète André Fraigneau :

« Si vous voulez un exemple des directives des sciences dont je parle, je vous raconterai comment Michel Pobers, le Dr Pobers, chez qui se réunissent les Congrès parapsychologiques, à Saint-Paul-de-Vence, fut envoyé par l’université d’Utrecht pour enquêter sur la télépathie aux Antilles. Les paysannes des Antilles parlent à un arbre [André Fraigneau : …parlent à un arbre !] afin de correspondre en ville avec leur mari ou leur fils. “Rapportez-moi ceci, rapportez-moi ça.” Le fils et le mari entendent, et… rapportent. Pobers, témoin de ce phénomène, demande à la paysanne : “Pourquoi vous adressez-vous à un arbre ?” Et elle répond : “Parce que je suis pauvre. Si j’étais riche, j’aurais le téléphone !” Cette réponse étonnante nous laisse rêveurs. Peut-être un jour s’apercevra-t-on que les petites richesses du progrès ont atrophié en nous les richesses véritables. Car la jeune science s’efforce de retrouver ce génie de la nature, qui, au lieu de dire : “Je pense, donc je suis”, pourrait dire : “Je ne pense pas, donc je suis”. Car l’homme complique l’agir par la pensée, vous le savez, ses observations fragmentaires l’embrouillent, et il prend l’unité pour de la multiplicité. »
 Clair-obscur. Poèmes de Jean Cocteau, lus et commentés par l’auteur », Paris Inter, 1er janvier 1955.)