« Dédicace à Georges Auric
Mon cher ami,
J’admire les Arlequins de Cézanne et de Picasso mais je n’aime pas Arlequin. Il porte un loup et un costume de toutes les couleurs. Après avoir renié au chant du coq, il se cache. C’est un coq de la nuit.
Par contre j’aime le vrai coq, profondément bariolé. Le coq dit Cocteau deux fois et habite sa ferme.
Si je n’eusse dédié “Le Cap de Bonne-Espérance” à Garros captif, je dédierais ces notes à Garros évadé d’Allemagne. Mais vous êtes mon second ami évadé d’Allemagne. Je vous les offre parce qu’un musicien de votre âge annonce la richesse, la grâce d’une génération qui ne cligne plus de l’œil, qui ne se masque pas, ne renie pas, ne se cache pas, ne craint ni d’aimer ni de défendre ce qu’elle aime.
Le paradoxe et l’éclectisme lui sont choses haïssables. Elle méprise leur sourire, leur élégance flétrie. Elle redoute aussi l’énorme. C’est ce que j’appelle s’évader d’Allemagne.
Vive le Coq ! à bas l’Arlequin !
J.C.
19 mars 1918. »
(Jean Cocteau, Le Coq et l’Arlequin. Notes autour de la musique, éditions de la Sirène, Paris, 1918.)
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« Georges Auric, jusqu’à l’étonnante musique de mon film Le Sang d’un poète et selon l’expression du Midi parlait “pointu”. Sa plume écorchait et trouait la page. Elle a maintenant trouvé son paraphe et son discours. »
(Cocteau présente le groupe des Six, texte de 1953 enregistré sur microsillon 45 tours par EMI Pathé.)