Ce document est une des pièces rares et précieuses du fonds. Il marque un épisode mythique de l’histoire du cinéma que Jean-Charles Tacchela a ainsi formulé, en titre de sa contribution au catalogue de l’exposition Cocteau au centre Georges Pompidou en 2003 : « Quand Jean Cocteau était président d’un ciné-club : Objectif 49 et le Festival du film maudit. »
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Le ciné-club en question est fondé par un groupe de jeunes critiques présents à la Biennale de Venise en août 1948, parmi lesquels André Bazin et Jacques Doniol-Valcroze (futurs créateurs des Cahiers du cinéma), et se baptise Objectif 49. Ils veulent un ciné-club qui ne soit pas tourné vers le passé mais fasse la promotion des films d’avant-garde : l’immédiat après-guerre appelait un renouvellement profond du cinéma. Cocteau, Bresson et Leenhardt en sont les trois présidents. Bazin en écrit le manifeste. Il est l’objet de vives attaques dans L’Écran français. Les animateurs décident de pousser leur avantage plus loin en créant un festival ; la ville de Biarritz, qui caresse alors le projet de lancer une manifestation concurrente de Cannes, l’héberge. Le festival se déroule du 29 juillet au 5 août 1949, avec un jury composé de Jean Cocteau, René Clément, Jean Grémillon, Raymond Queneau, Alexandre Astruc et Claude Mauriac, qui donnent tous un texte au catalogue. S’y ajoute Orson Welles qui ne peut pas venir. Parmi les spectateurs, François Truffaut, Jean Douchet, Éric Rohmer, Jacques Rivette et quelques autres futures célébrités. Cocteau fait couronner Mourning Becomes Electra (Le deuil sied à Électre) de Dudley Nichols.
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Il y eut une deuxième édition en septembre 1950 puis l’entreprise s’arrêta là. Le concept de « film maudit », appuyé sur celui, antérieur, d’œuvre maudite (d’où la présence d’un texte d’Antonin Artaud dans le catalogue), était installé, en opposition au cinéma officiel, et devait rencontrer un succès durable dans la critique cinéphile. On peut penser que Cocteau se plaisait à s’imaginer dans ce rôle d’artiste maudit.