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La loge d’Esther dans Les Monstres sacrés : dessin de Bérard pour le premier décor de la pièce au Théâtre Michel en 1940. Cocteau s’en inspire pour la première représentation de la pièce au Caire le 18 mars.

« Hier, la répétition des Monstres était molle, désarticulée, pleine de trous. C’est ce soir qu’on passe. On tâchera de trouver le rythme de 3 heures à 6 heures.
Les embûches commencent avec Christian Bérard. Une fois plantés, les deux décors sont des prodiges de mises en place, d’aigu. Mais les couleurs en sont inexactes. Je n’ose y mettre la main. Je tâche d’être Bérard. D’être sa chemise qui dépasse du pantalon, d’être sa barbe, ses taches de peinture, sa chienne Jacinthe. On change le rouge de chez Esther. Jean Marais court la ville pour trouver une étoffe qui corresponde à toute cette pourpre, un buste qui remplace celui de Carpeaux.
Ce matin, le décor du deuxième acte est à plat par terre. Je me promène avec Marcel André, qui aime ma fureur de travail, entre ses perspectives, ses pentes, ses pointes. Même là, couché, mort, il vit, il s’exprime, il frappe comme Bérard vivait et s’exprimait sur son lit de mort, entouré de rouge.
Nul autre que Bérard n’arrive à ce rien chargé de sens. Les paravents de la loge d’Esther sont d’une si belle coupe que j’hésite à les repeindre. J’imiterai le premier décor de 1940, aux teintes d’arc-en-ciel. Je peindrai donc chaque panneau d’une teinte différente et pâle. La lumière fera le reste. »
(Jean Cocteau, Maalesh, 18 mars 1949.)