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« Le drôle d’être ! » André Ransan déjeune avec Jean Cocteau en 1938, dans sa chambre d’hôtel près de la place de la Madeleine. Reportage repris en 1947 dans un volume coédité par L’Écran du monde (Bruxelles) et Les Deux Sirènes (Paris).

« Le lit, les sièges, les meubles disparaissent sous un amoncellement de livres, de vêtements, de manuscrits, de lettres, de journaux, de revues. Par terre, dans les coins, chemises, caleçons, chaussettes, boîtes à biscuits voisinent avec les chaussures, le seau hygiénique et les bouteilles d’eau de Vichy… Des disques de phonographe trônent sur la cuvette du lavabo, en compagnie de paquets de cigarettes, du rouge à lèvres, de tablettes de chewing-gum et de la brosse à dents… Les murs sont littéralement tapissés de photographies, de gravures, de cartes postales. Il y a aussi des peintures. »

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« Le drôle d’être ! Petit, mince, légèrement de guingois, étriqué des épaules et large des hanches, les cheveux en crête de coq sur un crâne en forme de triangle isocèle, le visage en lame de couteau, allongé sur le devant par un nez genre “pignon de rue”, élargi, de chaque côté, par des oreilles en feuilles de laitue, Cocteau ressemble à quelque dessin animé de Walt Disney, silhouette pittoresque, voire cocasse, indiscutablement sympathique, qui peut se placer entre Mickey la souris et Donald le canard… Il parle en marchant d’une voix mordante et saccadée, soulignant chaque parole de gestes nerveux où perce le goût de l’autorité ; et sous le feu qui l’anime, soulève ses pas, rosit un teint de jaunisse, son front bombé se strie de veines têtues, ses joues et son menton s’amincissent encore s’il est possible, et ses yeux, petits mais vifs, scintillants, roulent dans leur orbite les diamants purs de l’intelligence… »