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« Jean Cocteau me savait attentive à tout ce qui touchait son œuvre écrite, ou parlée, ou pensée » : « Souvenirs instantanés » de la princesse Bibesco dans Le Nouveau Femina en septembre 1954, illustrés de caricatures de Cocteau.

Noailles, Beaumont, Murat, Rohan, Pourtalès, Pierrebourg, Daudet, Rostand, Bibesco… tout un monde de salons accompagne l’essor du Cocteau des années 1910 et vingt. Bernard Faÿ dans Les Précieux, Jacques Porel dans Fils de Réjane, l’abbé Mugnier dans son Journal, de nombreux autres, permettent de voir le poète évoluer dans ce monde et comment il en est perçu. La princesse Marthe Bibesco, écrivain de talent, cousine par alliance d’Anna de Noailles et proche de Marcel Proust comme ses cousins Emmanuel et Antoine Bibesco, dessine ici quelques instantanés plutôt anecdotiques : la première rencontre avant la guerre chez la princesse Edmond de Polignac, des promenades, un concert, la guerre et l’après-guerre, Cocteau messager de Proust auprès de Mme de Chevigné (la duchesse de Guermantes dans À la recherche du temps perdu), une visite chez Gustave Lebon, l’auteur de La Psychologie des foules, fort lu de Proust (La Noce massacrée, réduit aux Visites à Barrès, contenait à l’origine le récit d’une visite au docteur Lebon, prétexte à un « massacre » d’Aristide Briand)… Une égale admiration salue le poète à tous ses âges, sans distinction.

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Proust en revanche saura reconnaître et saluer la mue artistique de Cocteau d’où sort en 1917 Parade, non seulement dans leur correspondance privée mais dans À la recherche du temps perdu, où il inspire le personnage d’Octave, un neveu des Verdurin.
Dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs, Octave est un « jeune gommeux » fin de siècle que le narrateur rencontre à Balbec. Or ce dandy, infaillible « sur l’opportunité du smoking ou du pyjama » mais « sans la moindre culture intellectuelle », montre dans Albertine disparue sa valeur sur le plan artistique en faisant représenter « des petits sketches, dans des décors et avec des costumes de lui, qui ont amené dans l’art contemporain une révolution au moins égale à celle accomplie par les Ballets russes » : œuvres admirables, « presque des œuvres de génie ».
Octave illustre donc à son tour le grand malentendu mis en scène par Proust à propos de l’art, à travers l’écrivain Bergotte, le peintre Elstir et le musicien Vinteuil, qui veut que la personnalité sociale soit souvent trompeuse et ne dise rien du génie de l’artiste, que seule leur œuvre révèle ou va révéler.