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Papillon promotionnel faisant l’éloge de Jean Cocteau. Troisième article de Raymond Radiguet sur Les Mariés de la tour Eiffel (Les Feuilles libres, février 1922), après « La Mythologie nouvelle » (La Gazette du bon ton, n° 6, 1921) et « Article de Paris » (Le Gaulois, 25 juin 1921). Dessin de Jean Cocteau pour Le Mystère de Jean l’Oiseleur (Champion, Paris, 1925).

Si la vénération de Cocteau pour Radiguet est bien connue, celle du cadet lui répond et même la précède. Leur rencontre date d’avril 1919. En décembre, dans un article resté inédit et publié en 1955 dans un numéro de La Table ronde sous le titre « Rencontre avec Jean Cocteau », Radiguet salue en lui un poète français et parisien, le plus doué pour l’esprit de légèreté, « l’esprit le plus français ». Il cite Le Potomak, Le Coq et l’Arlequin et annonce le prochain volume de Poésies, où s’affirmera encore plus le « patriotisme littéraire » de son aîné, parce qu’il « y dit adieu à l’Amérique, patrie des gratte-ciel, des machines, qu’il aime ».

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En février et décembre 1920, Radiguet publie dans Le Gaulois deux articles sur des spectacles de Cocteau, Le Bœuf sur le toit et Parade, dont la reprise est un triomphe après le « scandale » de 1917. Pour lui, Parade « n’est nullement révolutionnaire », mais « fait partie des œuvres dont l’audace est “à l’intérieur”, comme toutes les œuvres intéressantes de chez nous » : « Racine, à prime abord, semble moins audacieux que Rimbaud. L’audace de Racine est simplement plus raffinée que celle de Rimbaud, car elle pousse la pudeur jusqu’à passer complètement inaperçue. Tout artiste qui compte, étant forcément original, un effet constant de banalité sera pour lui la meilleure discipline. » Il conclut : « Certaines œuvres obscures sont fort belles. Mais je leur préférerai toujours les œuvres dont la beauté ne nuit pas à la clarté. Aucune œuvre n’est plus claire, plus accessible, que Parade. »

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Suivent en 1921 et 1922 trois articles sur Les Mariés de la Tour Eiffel et un sur Antigone, qui saluent le classicisme neuf des deux œuvres. « Seul, Jean Cocteau possède le secret de douer les choses d’aujourd’hui d’un caractère unique, mythologique (le seul moyen de leur donner quelque fraîcheur) », écrit Radiguet à propos du caractère moderne du ballet. Quant à Antigone, « voici le même travail à l’envers : Cocteau nous présente, on ne peut pas dire rajeunie, mais bien dans toute sa jeunesse, la plus illustre des tragédies antiques » (Les Feuilles libres, n° 30, décembre 1922).

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Ainsi, la grande leçon de conformisme anticonformiste de Radiguet se nourrit aussi d’une référence aux œuvres de Cocteau, dont la position dans le rapport « maître-élève » par lequel il se plaît à symboliser leur relation n’est pas si claire. Dans Les Précieux (Paris, Libraire académique Perrin, 1966), Bernard Faÿ a très bien décrit les avantages que chacun des deux écrivains a trouvés dans la relation d’admiration réciproque et de dépendance mutuelle qui règle leurs rapports jusqu’à la mort de Radiguet en décembre 1923.
Mais Cocteau lui-même ne se présente pas toujours comme l’élève. Il écrit ainsi sur un des autoportraits du Mystère de Jean l’Oiseleur, publié en 1925 chez Champion : « J’ai voulu faire du blanc plus blanc que neige et j’ai senti que mes appareils étaient encrassés de nicotine. Alors j’ai formé Radiguet pour réussir à travers lui ce à quoi je ne pouvais plus prétendre. J’ai obtenu Le Bal du comte d’Orgel. » Texte qui reformule celui d’une lettre à Jacques Maritain en août 1924 :
« Le premier de nos groupes j’ai voulu “revoir du blanc”. J’ai d’abord essayé la chose sur le milieu musicien. Vous connaissez quelques résultats qui comptent. Avec Thomas [l’imposteur] j’ai fait du blanc — mais grâce à des appareils encrassés de nicotine. Entre tous j’ai choisi Radiguet pour qu’il devienne mon chef-d’œuvre. »