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Dessin en marge du roman, paru dans Opium (1930). Notes manuscrites sur des fiches d’hôtel, pour la « Préface d’une nouvelle édition de luxe des Enfants terribles » (éditions Les Cent-Une, Paris, 1937, dessins et gravures d’Anthony Gross, tirage à 130 exemplaires). Jaquette de couverture pour la réédition du roman chez Grasset en 1954.

Cocteau parle de son livre :

« Voilà le vif de l’enfance. Les Enfants terribles traitent de grandes personnes, des personnes de mon milieu. (Coutume de vivre avec des personnes beaucoup plus jeunes que soi.) Des articles, des lettres, une entre autres, fort belle, du professeur Allendy, m’apprirent que le livre était un livre sur l’enfance. Je la situe, moi, plus loin, dans une zone plus niaise, plus vague, plus décourageante, plus ténébreuse.
Le “jeu” s’y rattacherait davantage. C’est pourquoi je n’en parle guère, je n’ose pas plus l’approfondir que nos calculs avec l’affiche Van Houten. » (Opium, 1930).

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« J’ai eu la chance, en ce qui concerne Les Enfants terribles, de voir le livre se déborder lui-même, et mythifier, dans l’esprit d’une jeunesse exaltée par le luxe de Paul et d’Élisabeth, par la neige qui jette sur l’intrigue une sorte d’éclairage fatal. Il serait fou de nier que cette œuvre exerce un charme, provoque un malaise que la jeunesse recherche et repousse à la fois. J’ai vu ce livre tourner contre moi et m’annexer des âmes violentes. Bref, il m’a semblé que le personnage de Dargelos entre autres, frère du Steerforth de David Copperfield, prenait le large, promenait ses genoux blessés fort loin de mon texte, comme un violoniste tzigane se détache de l’orchestre et joue entre les tables. »
(Préface de l’album Soixante dessins pour Les Enfants terribles, 1934.)

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« Après Les Enfants terribles, j’ai tellement lu et entendu que la boule de neige que lance Dargelos contenait une pierre, alors j’ai presque fini par m’en convaincre. Mais la pierre était inutile. J’ai toujours pensé que le seul contact d’un Dargelos suffit à changer la neige en marbre, à la durcir jusqu’au meurtre et qu’elle peut, entre ses mains, devenir aussi dangereuse que les couteaux d’Espagne. Cette boule de neige, origine d’un scandale dont les suites forment la trame de mon livre, rayonne de phosphorescence. »
(Portraits-Souvenir, 1935.)

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« C’est donc en vertu de ce « pouvoir de l’inspiration » que je me permets de dire que Les Enfants terribles furent un livre inspiré. Mise en marche des plus mécaniques. Elle venait d’un reproche de Jacques Chardonne. Il me reprochait d’attendre un miracle au lieu de le mettre courageusement en branle, de commencer un livre par n’importe quoi : “La cité Monthiers… etc.
Ensuite, le livre naquit dix-sept pages par dix-sept pages, pas une de plus, pas une de moins, sans rature et dans une sorte de demi-sommeil. »
(Préface pour l’édition bibliophilique de 1937 : Les Cent-Une, Paris, dessins et gravures d’Anthony Gross.)

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« Agathe Mella vient de faire, à la radio, une adaptation de mon roman Les Enfants terribles. Ce roman, rare en dialogues, ne tire ses prestiges que d’une atmosphère de neige et de désordre. J’y raconte les personnages plus qu’ils ne parlent. Je me demande quelle idée peuvent en avoir, par l’oreille, les innombrables auditeurs de la radio qui ne connaissent pas le livre. Mais il est possible que le choix des interprètes, les quelques phrases de la récitante et ce vide étrange au milieu desquels les artistes du microphone évoluent, donnent à ceux qui écoutent une vision imaginative capable de rejoindre la mienne et même de la mettre en échec. […]
Les Enfants terribles ont connu la plus bizarre fortune. Je les voyais capables de n’intéresser que certaines personnes éprises d’enfance et de singularité. Je devais apprendre par la suite qu’une foule de jeunes gens et de jeunes filles vivaient comme Élisabeth et son frère. D’autres en prirent exemple. D’innombrables lettres me parvinrent et me parviennent encore où les imitateurs se racontent, ne se doutant pas que les véritables Enfants terribles ne savent pas être ce qu’ils sont et ne tirent leur charme que de leur innocence. »
(Article de 1947 dans un périodique non identifié. Publié dans : Pierre Caizergues, Jean Cocteau, paratonnerres et ascenseurs, essai d’inventaire des préfaces, Publications de Montpellier III, Montpellier, 2006.)

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« De tous mes personnages, les Enfants Terribles sont ceux qui exercèrent le plus d’influence sur la jeunesse et, d’après les lettres que je reçois, l’exercent encore. Mais l’air de leur chambre était suffocant pour ceux qui ne seraient pas d’une pureté totale et irresponsables de leur excentricité, suffocant aussi pour les grandes personnes que Paul et Élisabeth étaient condamnés d’avance à ne pouvoir devenir, je suppose qu’ils n’agissent sur les imaginations que d’une manière superficielle et ne présentent pas les dangers dont on m’accuse.
Le film qui fut tiré du roman servit de prétexte aux tentatives de destruction à la mode. Mais les livres de chance n’ont rien à voir avec les valeurs que nos juges préconisent. Ils se répandent au loin par d’autres routes et le film, d’une exactitude rigoureuse, illustra l’œuvre auprès de ceux qui savent regarder et lire. »
(Le Cordon ombilical, 1962.)