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Couvertures d’études critiques et numéros spéciaux de revues (partiellement) consacrés à Jean Cocteau entre 1929 et 1961.

« Il faudrait pouvoir ne parler que des œuvres qu’on aime ou qu’on déteste », dit Cocteau dans Une entrevue sur la critique avec Maurice Rouzaud (« Les Amis d’Édouard », Paris, 1929), sous forme de reproche au journalisme littéraire, à « la critique de métier », qui « oblige à parler de tout, sacrifie l’amour à la vitesse ». Cocteau en fait aussi une exigence de la critique « savante » : il faut qu’on l’aime ou qu’on le déteste et, si on l’aime, qu’on sache éviter la demi-mesure dans l’éloge.
En somme, Cocteau attend de la critique qu’elle soit « partiale, passionnée, politique, c’est-à-dire faite à un point de vue exclusif » (Baudelaire, Salon de 1846). Il lui demande aussi d’être exacte : un critique doit en effet « étudier une œuvre comme un chimiste et connaître à fond l’ensemble des travaux de l’auteur », sachant que « l’anecdote, les inimitiés personnelles, les jugements d’une œuvre d’après l’idée qu’on se forme de l’auteur, etc. tout cela fausse la critique » (réponses de Cocteau à une enquête sur « La Bataille de la critique », Spectacles, 1er juillet 1949). Mais le plus important demeure qu’on lui reconnaisse son génie.

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À propos de : Claude Mauriac, Jean Cocteau ou la vérité du mensonge, Odette Lieutier, Paris, 1945. Commencé en 1939, préparé par des visites à l’écrivain à partir de février, l’essai résume l’œuvre de Cocteau et ses « multiples volte-face » au drame d’un poète luttant désespérément contre le néant qui l’habite et qui se ment à lui-même pour trouver un peu de paix, servi par un remarquable talent artistique. Des passages choisis par Paulhan sont publiés dans La N.R.F. de juin 1940.

« Ce livre ajoute aux malentendus qui me rendent presque invisible au lieu de les dissiper. Un bon esprit — à moins de pratiquer l’invective — glisse naturellement vers le haut et fonctionne à rebours de la pente crapuleuse des imbéciles. Claude est bilieux, noué, mécontent de sa personne profonde. Il se venge sur les autres et leur prête des mécanismes dont il est le théâtre et auxquels je ne comprends rien. »
(Journal 1942-1945, 3 avril 1944.)

Une amitié contrariée, extraits commentés de son journal chez Grasset en 1970 (premier volume du Temps immobile), éclaire l’état d’esprit à la fois fasciné et effrayé, plein de scrupules contraires, dans lequel Claude Mauriac a écrit son essai, rapporte leurs rencontres ultérieures et l’évolution de son jugement sur Cocteau (qui lui fait tenir un petit rôle de « témoin à charge » dans Orphée en 1950).

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À propos de : Roger Lannes, Jean Cocteau, coll. « Poètes d’aujourd’hui », Seghers, 1945. En octobre 1944, Cocteau a remis vingt-cinq pages de notes biographiques à l’auteur, qui confie à son journal : « Je me fais un devoir — et une maligne roublardise — d’élever le ton à son sujet et de lui conférer tout ce qu’on lui dénie : grandeur et tragique. »

« J’ai reçu la nouvelle édition rose de Seghers avec les photographies et les poèmes supplémentaires. Sans doute aurait-il dû publier “Un ami dort” et des passages de Léone. Mais il ne pouvait changer le nombre de pages et ce qu’il cite dans le livre donne tout à fait l’idée de mon œuvre de poète. »
(Le Passé défini, IV, 13 août 1955.)

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À propos de : Jean-Pierre Millecam, L’Étoile de Jean Cocteau, Éditions du Rocher, Monaco, 1952. Lu en manuscrit par l’auteur.

« Je trouve que le livre de Millecam, L’Étoile de Jean Cocteau, est trop vague par rapport aux œuvres et s’attache trop aux films qui doivent répondre à son envie de tourner des films. Il y a distance entre cet objet d’étude et le style philosophique du texte. »
(Le Passé défini, I, 17 septembre 1952.)

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À propos de : Pierre Dubourg, Dramaturgie de Jean Cocteau, Grasset, Paris, 1954. Lu en manuscrit par l’auteur.

« Le livre de Millecam est métaphysique — celui de Dubourg d’une précision objective et un peu scolaire. C’est une étude très exacte de mon théâtre et de mes films. Millecam me place très haut. Son livre exaspérera. […] Le livre de Dubourg cherche à me rendre visible en dédaignant la fausse visibilité dont on me masque. »
(Le Passé défini, I, 15 février 1952.)

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À propos de : Margaret Crosland, Jean Cocteau, Peter Nevill, Londres, 1955.

« Encore une année qui ne ressemble à nulle autre (Je viens de recevoir le livre sur moi de Margaret Crosland.) Une pierre de plus s’ajoute à la pyramide d’erreurs au centre de laquelle mes secrets dorment. »
(Le Passé défini, IV, 30 janvier 1955.)

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À propos de : « Autour de Jean Cocteau », La Table ronde, n° 94, octobre 1955.

« Un numéro d’hommages me fait toujours peur parce qu’il dirige un projecteur rapide sur nos ombres et les balaye sans éclairer rien. Il en résulte que le lecteur pense qu’il n’y a rien à éclairer. On ne tire aucun bénéfice de ces numéros d’Hommages, mais sans doute prennent-ils place dans la ligne d’une courbe indifférente à notre opinion. »
(Le Passé défini, IV, 5 septembre 1955.)

« Au premier coup d’œil, cela flatte. […] À l’étude le bloc se désagrège. Les articles (élogieux) sont écrits par de jeunes cuistres. […] Ne survivent que les textes d’amitié. Un tendre salut de Paul Morand ou de Berl. Le reste tombe en poussière. Il est vrai que ni Genet ni Audiberti ne collaborent à cette ronde décevante. »
(Le Passé défini, IV, 12 octobre 1955.)

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À propos de : Jean Dauven, Jean Cocteau chez les sirènes : une expérience de linguistique sur le discours de réception à l’Académie française de M. Jean Cocteau, Éditions du Rocher, Monaco, 1956. Préface et notes de Jean Cocteau ; présentation de Jean Dauven.

« […] je déjeune avec Jean Dauven qui me montre sa nouvelle préface pour le discours argotique. Je constate une fois de plus que des types éloignés du carrousel des lettres en savent plus long et jugent avec plus d’audace. Ils ne craignent pas de mettre Gide et Valéry en boîte. »
(Le Passé défini, IV, 9 décembre 1955.)

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À propos de : Friedrich Hagen, Zwischen Stern und Spiegel : Jean Cocteau als Zeichner (Entre l’étoile et le miroir : Jean Cocteau dessinateur), Wilhelm Andermann Verlag, Munich/Vienne, 1956.

« J’ai reçu le livre de Hagen, Jean Cocteau dessinateur. Lecture de la langue allemande trop difficile. Les illustrations choisies et mises à tort et à travers. Hagen, dans la lettre jointe, s’excuse d’une foule de fautes “qui le rendent malade”. Les fées de Picasso. Tout ce qui paraît sur lui et sur son œuvre elles le veulent de premier ordre avec des documentations parfaites. J’attends encore l’ouvrage apte à redresser les innombrables inexactitudes qui paraissent sur mon compte, le livre de Margaret Crosland en tête. Un jour arrivera-t-on à faire le point ? »
(Le Passé défini, V, 3 novembre 1956.)

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À propos de : Wallace Fowlie, Jean Cocteau, The Journals of Jean Cocteau, Criterion books, New York, 1956.

« Le livre de Wallace Fowlie. Toujours la même chose. Il tire ma carte du jeu avec des pinces prudentes. Jamais une étude solide. Et pourtant Fowlie a fait la préface d’un choix de mes textes intitulé Journal’s [sic] et traduit La Crucifixion et parlé d’elle dans une préface. Mais ma place dans l’époque, on me la chipote, ne sachant où me mettre, sauf comme bâton dans les roues de cette grosse voiture où trônent Claudel et Gide — Sartre, assis en face, sur un strapontin. »
(Le Passé défini, V, 12 novembre 1957.)

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À propos de : André Fraigneau, Cocteau par lui-même, coll. « Écrivains de toujours », Seuil, Paris, 1957.

« J’ai reçu les épreuves des choix de Jean Cocteau par lui-même édité par le Seuil. Très mauvais choix en désordre. Bastide me demande de noter en marge. Quelles notes ? Je serais obligé de dire ce que je pense, ce qui n’est pas aimable. »
(Le Passé défini, V, 5 août 1957.)

« Le Cocteau du Seuil a paru. L’étude de Fraigneau est très belle, mais un peu longue ou un peu courte en ce sens qu’il n’envisage pas assez chacune des œuvres (il oublie même une œuvre importante comme le film des Enfants terribles) et qu’il se répète un peu en ce qui concerne ma morale. Il n’en reste pas moins que c’est la seule étude grave et noble qu’on me consacre. »
(Le Passé défini, V, 20 novembre 1957.)