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Lithographies pour Montagnes marines d’André Verdet (1961) et Taureaux de Jean-Marie Magnan (1965). Portrait de Raymond Radiguet en frontispice du Bal du comte d’Orgel (Éditions du Rocher, 1953). Affiche de l’exposition Une femme recréée par 27 peintres (1960). Lithographie pour Douze poèmes de Paul Valéry (1959). Dessins pour la revue Adam (1963).

« Il est ridicule d’envisager la jeunesse sous forme de mythe et en bloc », écrit Cocteau dans La Difficulté d’être (1947). Cependant, dans son œuvre graphique, la jeunesse existe bien sous forme de mythe, à travers un type de visage, le plus souvent de profil, à ce point récurrent qu’il en est devenu comme l’enseigne ou la carte de visite.

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Longtemps après la mort de son ami Radiguet, ce type semble manifester dans sa pureté l’impression de virilité égoïste et de morgue que Cocteau saisit déjà dans les dessins qu’il fait de lui dans les années vingt, et qu’il transmet au type de Dargelos, avec sa figure « aux lèvres un peu grosses, aux yeux un peu bridés, au nez un peu camus » (Le Livre blanc, 1930).
Ce profil type est celui d’un jeune homme, dieu, poète, berger ou pêcheur. Le menton est fort et rond, le cou, puissant comme une colonne, n’a pas de pomme d’Adam. Il y a, dans ces visages fréquemment renversés par l’extase, une beauté courroucée que darde un œil sans cils, à l’iris parfois artificiellement coloré en jaune, en rouge ou en vert, et que vient souligner la double épaisseur sensuelle et dédaigneuse des lèvres en saillie. Elles forment un mufle érotisé accolé sans aucune séparation au nez qui, peu marqué, descend du front d’un trait.
Ces caractéristiques, si constantes et si frappantes, font de ces éphèbes profilés de véritables anti-portraits de Cocteau lui-même dont — photos, peintures et dessins le montrent — les lèvres sèches étaient réduites à rien et le nez, anguleux et jaillissant, dominait le visage.

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L’entrée de Cocteau en peinture au début des années cinquante fait émerger, à côté de ce type mâle d’une animale jeunesse, un type féminin qui lui ressemble, à l’exemple de cette Ève au serpent, dessin rehaussé de pastel utilisé pour l’affiche d’une exposition en 1960. Comme dans la série des Innamorati (1959-1961), pastels et tapisseries composés de visages affrontés d’hommes et femmes jeunes tirant l’un vers l’autre une langue à la fois luxurieuse et agressive, la rencontre de l’homme et la femme conquiert ouvertement une signification sensuelle, mais pas toujours paisible.