Si, dans la vie de Genet, les années quarante sont clairement sous le signe de Cocteau, l’écrivain prend ensuite ses distances avec son aîné, tout en conservant jusqu’à la fin une dette de reconnaissance et une tendre affection pour l’homme. L’hommage publié en 1950 dans la revue belge Empreintes, sobrement intitulé « Jean Cocteau », sonne comme un adieu. Centré sur le « classicisme hellénique » de l’œuvre, sous lequel se dissimule « un cœur extrêmement complexe et douloureux », une « amande amère et sensible », il laisse résolument dans l’ombre la relation de maître à disciple et ne dit rien de l’influence évidente de l’artiste sur ses propres œuvres ni de leurs collaborations artistiques, par exemple pour Querelle de Brest ou Les Bonnes.
Cocteau, de son côté, accordait de l’importance à cette pénétrante étude, et regrettera que Genet refuse de participer à d’autres hommages qui lui sont consacrés dans les années cinquante (dans La Table ronde en 1955 et dans Les Cahiers des Saisons en 1957, notamment). Il s’en souvient encore dans L’Aurige, poème écrit en février 1960 en marge du Testament d’Orphée dont la sortie est imminente : « Grec il l’a dit de moi ce Genet d’Espagne / Courant et reniflant dans les faubourgs chinois / Épluchant mes hiéroglyphes comme des noix ».