« Un journal, une revue, c’est quelqu’un. Le Figaro, c’est Pierre Brisson » comme « La N.R.F., c’était André Gide », écrit Mauriac dans un numéro de La Table ronde en 1952. Pierre Brisson, qui veut relancer en 1934 ce quotidien de centre droit prestigieux dont Mauriac sera dès alors une figure de proue, y publie en 1935, du 19 janvier au 11 mai, la série des Portraits-Souvenir de Cocteau.
Cependant, comme celle de Mauriac, son opinion sur le poète mêle presque toujours les réserves aux éloges. D’abord critique dramatique au Temps, de 1923 à 1934, il rend compte des pièces de Cocteau à partir d’Orphée (1926), dans des chroniques régulièrement blessantes. Par exemple, à propos de La Voix humaine à la Comédie-Française, en 1930 : « Tout cela est bien conduit, et même trop bien conduit. On dirait d’un sketch commandé par une vedette et destiné aux intermèdes de music-hall. Le texte vaut ce que vaut l’actrice. […] Mais la part de M. Cocteau dans cet exercice, les inventions, les mystères miroitants que nous aimons en lui, son accent vrai, se réduisent à rien » (Le Temps, 24 février 1930). Seule La Machine infernale trouve vraiment grâce à ses yeux, notamment à cause du troisième acte : « Il y a là une suite de ruptures, une atmosphère étrange, bavardages traversés d’éclairs, gaieté familière et obscures angoisses, où Cocteau n’a jamais mieux donné sa mesure » (Le Temps, 16 avril 1934). C’est encore la place qu’il lui reconnaît dans l’article de synthèse sur « Jean Cocteau au théâtre » qu’il confie en 1943 à la revue suisse Formes et Couleurs et dans l’hommage ému et tout de même admiratif qu’il lui rend vingt ans plus tard dans Le Figaro littéraire, peu après la mort de Cocteau.