Si la conversation de Cocteau éblouit et charme, elle n’en est pas moins sous-tendue, comme tous ses livres, par une ligne « de chocs et de risques », une « ligne de combat », reconnaît-il dans La Difficulté d’être (1947). Autant que le sport amical de la conversation à la Montaigne, Cocteau pratique le plaidoyer à la Rousseau, par un besoin viscéral de se sentir aimé et justifié dans ce qu’il est.
« Il voulait qu’on l’admirât », écrit Bernard Faÿ, qui le fréquente dès les années 1910 dans l’entourage du comte Étienne de Beaumont, « mais il tenait encore plus à se sentir aimé ; il s’agissait là pour lui d’un besoin physique autant que moral. S’il frémissait devant la moindre critique littéraire, cela ne tenait pas à une vanité d’écrivain, mais à cette sensibilité avide, qui ne se résignait pas à perdre un ami, à barrer un nom sur son livre, ou dans son cœur. » (Les Précieux, Librairie académique Perrin, Paris, 1966).
À la fin des années cinquante, Sartre présente comme bien connu de tous « ses airs traqués, ses monologues sur le destin, sur le temps, sur la vie, morceaux choisis d’une apologie perpétuelle et suppliante […] » (préface au Traître d’André Gorz, Seuil, Paris, 1958).