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Poésie critique

Poésie critique II : Monologues

Page de titre et table des matières du volume II. Symétrique de la « préface au passé » du volume I, la préface « Démarche d’un poète », réutilise deux sections de l’essai de 1953 aussi intitulé Démarche d’un poète (« Excuses » et « L’Engagement solitaire ») et le début d’une troisième section (« Marco Polo »).

Cocteau écrit dans un long article publié en 1948 dans Time Life : « La conversation est souvent le contraire d’un échange. Certaines personnes (je devrais dire les ondes que dégagent certaines personnes) vous y incitent. Il se produit alors ce que Baudelaire disait drôlement la première fois qu’il rencontra Victor Hugo en Belgique. “Il se lance, disait-il, dans un de ces monologues qu’il appelait une conversation”. » Il en va de même des « monologues » réunis dans ce volume, dont la majorité ont été prononcés à l’occasion de cérémonies officielles en France, Belgique et Angleterre : Cocteau répugne à rester dans les genres du « discours » ou de la « conférence » imposés à la parole en public dans ces circonstances. Il a pris l’habitude, dès sa conférence au Collège de France en 1923, de n’en garder que le nom et d’en changer l’allure et si possible le ton, pour en faire des conversations amicales avec son auditoire.

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Conversation sans échange, et dialogue cependant, puisque l’attention, l’écoute, les ondes dégagées par la présence d’auditeurs même muets jouent leur partie en influençant celui qui parle. Conversation avec des inconnus, et cependant toujours regardés comme des amis en puissance, de ces « amis inconnus que les livres recrutent et qui sont la seule excuse d’écrire » (Opium, 1930). « Et maintenant, Mesdames, Messieurs, j’allais presque dire chers amis (car, peu à peu, il se forme entre le monologuiste et son public une onde de dialogue, un flux et un reflux, un échange) […]. » (« Discours sur la poésie »).

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Le sous-titre de ce deuxième volume, qui désigne aussi au théâtre le discours d’un personnage seul en scène, ou une pièce à un personnage, se trouve donc investi d’une dimension intime, confidentielle, amicale. Aussi bien dans le temps de ces discours publics que de leur lecture après coup, Cocteau imagine de transformer l’agora en chambre, où se réuniraient avec lui ceux qui le comprennent, les « indigènes d’une île heureuse que notre âge explosif a détruite, disloquée, projetée un peu partout dans le temps et dans l’espace », mais que la « besogne ingrate » des poètes permet de rassembler (« Discours sur la poésie »).