« Été saluer, gare de Lyon, la troupe Darcante qui va jouer La Machine infernale en Yougoslavie. Cette troupe part juste lorsque la troupe de Marais rentre d’Allemagne. (Froid d’hiver après la chaleur lourde des dernières semaines.) Dans huit jours La Machine se donne à la télévision avec une troisième troupe. (Une quatrième en comptant celle de la radio.) »
(Jean Cocteau, Le Passé défini, 17 mai 1954.)
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1954 est une année faste pour La Machine infernale : la pièce est jouée un peu partout en France, est adaptée à la télévision (réalisation de Claude Loursais) et à la radio (série « Théâtre français », adaptation d’André Camp), part en tournée en Europe. Le 28 septembre, elle est reprise aux Bouffes-Parisiens à Paris.
Le coup d’envoi est donné le 21 janvier au Théâtre des Célestins à Lyon, par la compagnie Jean Marais patronnée par les productions théâtrales Georges-Herbert. La mise en scène est de l’auteur, les décors et costumes de Christian Bérard, tels que refaits par lui peu avant sa mort en 1949, dans le style de la création. Les rôles principaux sont joués par Jean Marais (Œdipe), Louise Conte (le Sphinx) et Marguerite Cadavaski (Jocaste).
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« Peu importe maintenant ce qui arrive à La Machine infernale et ce que le public en pense. J’ai, hier soir, vu jouer la pièce d’une manière si parfaite, si admirable, que mon but est atteint. Les décors et les costumes de Bérard dépassent ce qu’on est en droit d’attendre du théâtre. Les lumières maquillaient les artistes comme ces chanteuses et ces danseuses de Degas.
La difficulté du spectacle me semble venir de ce que chaque acte est une pièce et que chaque mot représente un rouage du mécanisme de cette machine des dieux. […] Avant-hier, Louise Conte et Marais, éreintés par les films et la radio, paraissaient incapables de reprendre leur équilibre. Hier soir, ils furent, ainsi que Marguerite Cadavaski — et tous, d’une beauté, d’une intensité bouleversantes. J’ai donné à la mise en scène une précision beaucoup plus grande et presque chinoise à cause des minuscules espaces de plate-formes où les artistes doivent mouvoir des étoffes très encombrantes. Telle est leur aisance qu’on croirait qu’ils se meuvent dans un grand espace. »
(Jean Cocteau, Le Passé défini, 1er octobre 1954.)