« Sans un certain enfantillage qui reste intact — je succomberais. Je travaille. Ou plutôt j’ai la chance d’être encore travaillé par la poésie », écrit Jean Cocteau à Max Jacob en octobre 1926.
Dans Opéra, recueil d’une cinquantaine de poèmes composés pour l’essentiel en 1925 et 1926, Cocteau se propose de « déniaiser le sublime » de la poésie en l’abordant avec la naïveté fraîche, taquine, joueuse, crédule et en même temps grave et profonde, des enfants qui jouent au gendarme et au voleur, à cache-cache ou à pigeon-vole, qui ouvrent les yeux tout grands à l’opéra, vivent intensément les aventures qu’on leur raconte, aiment les devinettes, qui se chamaillent, trichent, se font peur, sont beaux quand ils dorment, et s’émerveillent de la vie.
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Un sublime heureux de l’enfance traverse donc le recueil, avec une évidence légère : cancres, amourettes, visions d’oiseaux, d’étoiles filantes (Sport), de courses cyclistes, bords de mer, lessives et linges qu’on fait sécher, rêves d’ailleurs et d’enfants volés, spectacles grandioses et cruels de l’opéra, excitation des devinettes (Allégorie) et des histoires du soir. Les sommeils de l’âge mûr, les « prairies légères » de l’opium, les oiseaux en fil de fer et cocottes en papier de l’artiste (Je vole en rêve, Uccello), les statues de Chirico, prolongent encore de ces jeux, joies et dangers de l’enfance.
« Il t’était donné à toi et à toi seul de faire du sublime une friandise. […] Max t’aime épaté » lui écrit Max Jacob à la lecture du recueil (lettre du 9 ou 10 août 1927).