Dans l’élan de sa collaboration avec Erik Satie pour Parade, créé le 18 mai 1917, Cocteau se met à la rédaction du Coq et l’Arlequin. Dans ses entretiens à la radio avec André Fraigneau (1951), il présente ce petit livre comme « un banquet » entre amis, « un livre amical que nous avons fait ensemble », lui et quelques jeunes musiciens du futur groupe des Six. « Le Coq et l’Arlequin c’est ce qui résultait de nos conversations de chaque jour. »
Un jour, rapporte Georges Auric, « une surprise m’attendait rue d’Anjou, où je devais aller sans tarder. Le soir même, j’apprenais la naissance du Coq et l’Arlequin, j’en écoutais la lecture, très fier de savoir que ces “notes autour de la musique” m’étaient généreusement dédiées, très fier en même temps d’y retrouver des pensées qui, auprès de Satie, nous préoccupaient tous, mais exprimées avec une acuité, un “brio” très exactement éblouissants » (préface à la réédition de 1978 chez Stock).
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Gide reproche à ces notes effilées en maximes incisives leur écriture tendue, peu accueillante pour le public. De fait, ce « tract » relève du genre pamphlétaire : c’est « une prise de position dans un milieu artistique où se mêlent la littérature, la musique et la peinture. Le langage qui fourmille de métaphores et d’images en souligne le côté littéraire alors que les formules d’une netteté et d’une simplicité parfois choquantes font ressortir son caractère de pamphlet. On n’y trouve ni argumentation ni analyse méticuleuse, mais des affirmations provocatrices, paradoxes et constatations en raccourci qui témoignent d’une vivacité d’esprit, d’un souci d’actualité et d’une volonté de parti pris » (Suzanne Winter, « La mise en musique des poèmes de Cocteau », Œuvres et Critiques, n° 1, 1997).