Livres / Poésie

Premiers poèmes

La Danse de Sophocle

Page de titre de l’édition originale (Mercure de France, Paris, achevé d’imprimer du 20 juin 1912). La veille de la mise en librairie, la revue  Les Annales signale la parution en publiant un des poèmes du recueil.

Ce qui est frappant dans les premiers recueils de poèmes de Cocteau, c’est l’extraordinaire fluidité des rythmes. Le tout jeune poète respecte le vieil instrument du vers : élection de l’alexandrin classique, césuré, pas de vers impairs ni faux, peu d’enjambements audacieux, pratique des diérèses et des inversions. Cependant, il arrive à régler le moulin du vers sur le ton de la conversation mondaine.
Dans son compte rendu de La Danse de Sophocle dans la N.R.F. de septembre 1912, Henri Ghéon remarque à ce sujet que si Cocteau a choisi « le métier parnassien et néo-classique du vers », il fait aussi preuve d’une qualité « qu’aucun de nos poètes modernistes, sinon André Salmon, ne possède au même degré, c’est une sorte de hardiesse dans l’emploi des mots, qui fait que tous, et les plus actuels, les moins vieillis par l’usage des siècles, prennent dans le vers un éclat, une patine, un relief qui les tirent de la conversation commune. »

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Le recours aux ressources du langage parlé, facteur de dissonances mais aussi de résonances neuves, associé après 1900 à une certaine tempérance néo-classique dans le métier du vers, est notamment le fait de toute une « lignée fantaisiste » de la poésie, qui déborde l’école fantaisiste proprement dite constituée autour de 1912-1914 avec Carco, Derème, Toulet, et se réclame de Verlaine, de Corbière, de Laforgue surtout, « sensibilités vives et douloureuses qui se libèrent par la drôlerie, âmes qui voilent leur sincérité dans l’ironie ou l’enjouement, artistes se jouant avec une savante négligence des règles de la poésie et des ressources du langage familier ». (Michel Décaudin, La Crise des valeurs symbolistes. Vingt ans de poésie française, Privat, Toulouse, 1960 ; réed. Slatkine, Genève/Paris, 1981).

À sa manière, le jeune Cocteau des années 1910 appartient lui aussi à cette lignée fantaisiste, éclectique et conciliante.