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Orson Welles

Orson Welles, Jean Cocteau et Jean Marais en 1950. Couverture du livre d’André Bazin sur Orson Welles paru la même année, avec une préface de Cocteau (Chavane, Paris).

Cocteau fait la connaissance d’Orson Welles en 1936 aux États-Unis. Après Macbeth (1948), Welles, qui a connu des déconvenues, décide de s’établir en Europe pour être libre et indépendant. Il produira ou coproduira lui-même ses films et les financera avec ses gains d’acteur. Il reprend aussi son activité de metteur en scène de théâtre. Cocteau le retrouve en août 1948 en compagnie d’André Bazin à la Biennale de Venise. Très flatté de cette relation (Welles est cité neuf fois dans Cocteau, le cinéma et son monde de Christian Rolot et Francis Ramirez, 2009), il le fait inviter au Festival du film maudit de Biarritz (29 juillet – 5 août 1949). Welles, qui a accepté de faire partie du comité d’honneur du festival, ne peut finalement pas venir.
C’est peu après ce festival que le poète écrit un portrait du cinéaste américain repris en préface du livre d’André Bazin, Orson Welles en 1950. Le manuscrit conservé au fonds Cocteau de la B.H.V.P. (Paris) est en effet daté « Milly, août 1949 ». Avant de confier son texte à André Bazin, Cocteau s’en sert quelques mois après le Festival du film maudit pour parler de l’auteur de Citizen Kane et de La Dame de Shangaï dans une émission de radio de 50 minutes consacrée à ses films (Chaîne nationale, série « Les Rois de la nuit », 27 novembre 1949). Sous le titre « D’un fou sage », une partie du texte est aussi publiée dans le programme des deux pièces de Welles montées au théâtre Edouard VII fin juin 1950.
Ce bel éloge, davantage consacré à louer la personne de l’artiste que son œuvre, est conforme à la dimension mythique d’ores et déjà acquise par Welles.

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« D’un fou sage
Orson Welles est une manière de géant au regard enfantin, un arbre bourré d’oiseaux et d’ombre, un dieu qui a cassé sa chaîne et se couche dans les plates-bandes, un paresseux actif, un fou sage, une solitude entourée de monde, un étudiant qui dort en classe, un stratège qui fait semblant d’être ivre quand il veut qu’on lui foute la paix.
Il semble avoir employé mieux que personne l’allure nonchalante de la véritable force qui feint d’être à la dérive et se dirige d’un œil entrouvert. Cet air d’épave qu’il affecte parfois et d’ours ensommeillé le protège de la fièvre froide et rassurante du monde cinématographique. Méthode qui lui a fait prendre le large, quitter Hollywood et se laisser porter vers d’autres compagnes et d’autres perspectives.
Lorsque je quittai Paris pour New York, le matin de mon départ, Orson Welles m’envoya un automate, un admirable lapin blanc qui remuait les oreilles et battait du tambour. Il m’évoque le lapin battant du tambour dont Apollinaire parle dans la préface Picasso-Matisse de l’exposition Paul Guillaume et qui lui représente la surprise au détour d’un chemin.
Ce jouet somptueux, c’était le vrai signe, la vraie signature de Welles et, lorsqu’il m’arrive d’Amérique un Oscar qui représente une dame dressée sur la pointe des pieds ou qu’on me remet, en France, la petite Victoire de Samothrace, je songe au lapin blanc d’Orson Welles comme à l’Oscar des Oscars et à mon véritable Prix. »