L'auteur et son œuvre / Singularités

Sports et loisirs

Corrida

Montage inédit de Jean Harold. Illustration d’Opéra (Arcanes, 1952). Cartes postales taurines. Lithographie illustrant Taureaux de Jean-Marie Magnan (Michèle Trinckvel, Paris, 1965). La Corrida du 1er mai (1957).

Inscrite dans les racines méditerranéennes, la corrida est dans les années cinquante moins contestée qu’elle peut l’être aujourd’hui. Cocteau en suit très régulièrement, en Espagne ou en France (Nîmes, Arles, Vallauris), souvent en compagnie de Picasso, grand aficionado de corrida et lui-même organisateur occasionnel.

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« Il serait tout à fait ridicule de considérer l’Espagne comme un lieu poétique et pittoresque. Elle n’est ni l’une ni l’autre. Elle est davantage. Elle est un poète. Et citerai-je la phrase de Max Jacob qui n’est point simple boutade : “Le voyageur tomba mort, frappé par le pittoresque” ? Livrons les touristes aux coups du pittoresque et vénérons cette Espagne qui, de période en période, met le feu à ce qu’elle adore, ce Phénix qui se brûle lui-même pour vivre. »
(Jean Cocteau, introduction à La Corrida du premier mai, 1957.)

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« Arles. Mauvaise corrida dans des nuages de poussière. Les toreros et les bêtes conspués. La direction accorde un septième taureau, mais après le sixième tous les toreros sont partis. (Ils recevront des pierres et des tomates.) »
(Jean Cocteau, Le Passé défini, juillet 1958.)

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« Nîmes. Corrida honteuse (celle des vendanges). Si la corrida n’est plus une tragédie, elle devient une comédie, une comédie dégoûtante.
On épointe (au carcan) les cornes de l’animal et, malade, il se couche après la première pique. Alors la vulgarité, la lâcheté de la foule se déchaînent. Corrida sans doute économique, après une corrida ruineuse (on paye Luis Miguel six millions).
Dîner au château de Castille avec les Picasso. »
(Jean Cocteau, Le Passé défini, septembre 1958.)

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« Nous avons eu aux arènes d’Arles la plus belle corrida qui se puisse voir. Luis Miguel donnait l’alternative au jeune torero parisien. En réalité, Luis Miguel Dominguin a donné une leçon parfaite de tauromachie. Sans une faute, sans grimaces, sans imprudences inutiles, sans bravades. C’était un spectacle superbe. […]. En ce qui concerne le jeune Français, il ne sera jamais un vrai torero. Il manque de grâce et son courage absurde le pousse au désordre. Il est “dangereux” et provoque du malaise. Les bravades à l’espagnole sont fort ridicules après un travail médiocre. Luis Miguel le surveillait de loin et s’apprêtait continuellement à voler à son secours. À vrai dire, au moment de tuer, il a perdu la tête. Mais le public n’ayant aucun sens du style l’a beaucoup applaudi. Le voilà sûr d’être un as. Il se trompe. »
(Jean Cocteau, Le Passé défini, octobre 1958.)

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« La corrida.
Public ignoble et prétentieux. Il siffle l’élégance parfaite de Luis Miguel. Il est probable que son mépris se voit comme fut visible sous forme de gestes sa pensée d’orgueil après le drame de Manolete à Linares. Ce mépris lui ôte du dramatique. Il ne lutte plus avec une bête. Il donne une leçon de tauromachie. Il professe au lieu de combattre. Mais quelle grâce ! Quelle aisance ! Les autres bafouillent et, ne parvenant pas à fixer le taureau, ils courent après et le tirent par la queue.
Nuages de poussière et dégoût. Nous suons nos citronnades. »
(Jean Cocteau, Le Passé défini, juillet 1959.)