Fascisme, nazisme, totalitarismes de droite : au long des années trente, la montée des périls mobilise largement l’intelligentsia française, notamment à l’occasion des Congrès d’Amsterdam en mai 1932 et de Pleyel en avril 1933, d’où sort le mouvement « Amsterdam-Pleyel » contre le fascisme. Les événements de février 1934 en France (manifestation des Ligues de droite contre le gouvernement corrompu et le régime de la République), un an après l’accession d’Hitler au pouvoir en Allemagne, sont interprétés comme la menace d’une extension du fascisme.
Si Cocteau ne s’est guère impliqué dans ce large mouvement antifasciste d’où naît en 1936 le Front populaire, il sort de sa réserve en 1937, à propos de la guerre opposant les républicains espagnols à la dictature du général Franco. Le déclic vient de Picasso, qui, après son grand tableau Guernica, destiné au pavillon espagnol de l’Exposition de 1937 inaugurée le 24 mai, publie en juin deux planches à l’eau-forte livrant en dix-huit scènes une satire féroce de Franco. Quatorze d’entre elles, réalisées en janvier 1937 au moment du siège de Madrid par les franquistes et imprimées séparément au format carte postale, étaient déjà diffusées par la propagande du gouvernement républicain en exil ; les autres, datées du 7 juin, suivent l’événement de Guernica, la ville basque bombardée par la légion Condor de l’aviation allemande le 26 avril.
Dans cet article publié dans le quotidien communiste Ce Soir, Cocteau emboîte le pas au peintre qu’il admire plus que tout autre et qui, « prince hautain des indifférents » s’il en est jusque-là, devient le temps de ces « cris écrits » un artiste engagé. À son tour il fait entendre son « cri écrit », dans un texte tout en nerfs, dur, tendu, innervé d’images brèves, d’une volée de minces réflexions précises : « […] car l’os deviendrait-il poudre et la poudre sel de la terre et poivre ce sel du sol d’Espagne et ce poivre œillet et grenade, toujours Franco portera sur l’épaule la suite d’eaux-fortes que Picasso offre au peuple espagnol et que M. Larrea édite. »