Livres / Essais et journaux

Démarche d’un poète

Poésie et peinture

Début du chapitre « Peindre sans être peintre ». « La distance entre le dessin et la peinture est incalculable.  » (Démarche d’un poète.)

Après Journal d’un inconnu (1952), qui introduit le sujet dans le chapitre « Des libertés relatives », Démarche d’un poète consacre un chapitre à l’acte de peindre, que Cocteau sépare très fortement de l’acte de dessiner. S’il dessine depuis toujours, le poète est venu très tard à la peinture sur toile, durant l’hiver 1950. Il réalise alors une vingtaine de toiles en six mois, inaugurant ainsi une nouvelle direction de son œuvre.

*

Sans doute y a-t-il là pour lui, pendant longtemps, un domaine interdit, réservé à ce père suicidé quand il était enfant et sur lequel il reste très silencieux. Démarche d’un poète l’évoque brièvement : « De lui surtout me reste le souvenir très vif d’une odeur de palette et d’huile que je trouvais délicieuse. Il peignait avec beaucoup d’aisance. Je restais assis près de sa chaise. »
Par ailleurs, si Cocteau a souvent écrit sur la peinture des autres (voir notamment le recueil posthume Cortège de la désobéissance, 2001), sa fréquentation de grands peintres et surtout son admiration sans bornes pour Pablo Picasso ont certainement contribué à retarder son passage à l’acte pictural.
Avant de s’attaquer à la peinture, Cocteau avait déjà introduit la couleur dans certains de ses dessins. Le « tatouage » à la fresque des murs de Santo Sospir au cours de son premier séjour dans la villa des Weisweiller en mai 1950 a sans doute joué un rôle déterminant pour le décider à franchir l’étape du dessin colorié, mêlant contour et couleur, pour la peinture.

*

Ce chapitre est d’autant plus à sa place dans Démarche d’un poète que, pour sa première exposition de peintures, en 1952 (avec des dessins et deux tapisseries), Cocteau a choisi l’Allemagne et l’Autriche (Munich, Hanovre, Vienne) : « La France, c’est la famille, et la famille vous eng… toujours. Moi, je veux bien exposer, mais je ne veux pas m’exposer » (à Claude Benedik, interview reprise dans Le Passé défini, I). Anxiété du débutant…