Parce qu’il craint d’être vu essentiellement comme décorateur de théâtre, Jean Hugo éprouve le besoin, vers la fin des années vingt, de se recentrer sur la peinture. « J’étais bien résolu, quand je vins m’établir à Lunel, à ne plus travailler pour la scène » (Le Regard de la mémoire). Le dessin et la peinture précèdent chez lui le travail de décorateur et de maquettiste, et Cocteau a sans doute aussi à l’esprit les belles séries de gouaches qu’il réalise à partir de 1921 quand il dédicace Le Grand Écart en 1923 « À mon cher Jean Hugo, peintre-poète ». Ses premières expositions ont cependant lieu, à Paris, après leurs grandes collaborations, en 1926, 1928 et 1930.
En 1957, une autre exposition donne à Cocteau l’occasion d’écrire un texte sur Jean Hugo peintre. Celui-ci expose en mai et juin des gouaches et des tableaux à la galerie des Cahiers d’Art, dirigée à Paris rue du Dragon par Yvonne et Christian Zervos. Les deux artistes se sont revus à l’occasion d’un dîner le 22 avril, d’où est née sans doute l’idée de ce texte, publié dans Arts du 19 au 25 juin.
Cocteau oppose la puissance évocatrice du talent du peintre au petit format de ses gouaches. Pour lui, Jean Hugo appartient à la longue lignée des moines médiévaux, qui faisaient tenir le monde et l’essence même de ce monde dans des enluminures parfois minuscules. Il évoque aussi brièvement leur jeunesse féconde dans le domaine de l’art.
Il est intéressant de lire en parallèle à cet article ce qu’écrit le poète René Char pour la même exposition. Si Cocteau fait appel à la mythologie (Olympe, Jupiter), Char convoque Baudelaire et Giotto. Pour l’un Hugo est un « enlumineur », tandis que l’autre entend « la voix de l’illuminateur ». Textes de poètes, sous-tendus par la présence de l’œil pour Cocteau, de la parole pour Char.