Dans les articles publiés en 1937 et 1938 dans Ce Soir, Cocteau affirme avoir été laissé « libre de bavarder avec le public, à [s]a guise et, en somme d’y écrire n’importe quoi. » Le journal Ce Soir, fondé par le Parti communiste français en 1937, s’efforce en effet de toucher un large public par des collaborations prestigieuses (Desnos, Renoir, Léger, Duchamp…), sans toutefois laisser trop paraître sa ligne politique. La collaboration de Cocteau est exemplaire de son effort pour toucher ce grand public sans donner des gages au parti communiste.
En revanche, les articles dans Comœdia ont été publiés « pendant l’occupation allemande » et « Il fallait coûte que coûte sortir d’un cauchemar et d’un style d’insultes lancés par les journalistes de Je Suis Partout. » Cocteau rappelle la « propagande » très dure entretenue par la presse de la collaboration, mêlant la haine et les insultes aux éloges convenus, qui le conduit, après plusieurs longues interruptions, à jeter l’éponge. Et il conclut : « J’arrêtai le Foyer des Artistes où je m’efforçais de louer ce qui sortait chez nous de vif. »
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La réaction de Cocteau à l’Occupation se fait sur le front de la culture, spécialement dans les domaines du théâtre et du cinéma où il déploie une activité importante. Quand il publie une « Adresse aux jeunes écrivains » dans La Gerbe du 5 décembre 1940, « Le théâtre est mort ! Vive le théâtre » dans Patrie, « revue mensuelle de l’Empire », n° 3 de 1941, ou prend la parole à la radio avant une diffusion de La Machine à écrire début mai 1941, c’est pour se poser en leader d’une réaction artistique. En 1941 et 1942, il est la cible d’attaques venimeuses de journalistes collabos, dont Laubreaux et Rebatet dans Je suis partout, et doit faire face en 1941 à une campagne très violente suscitée par les représentations de sa nouvelle pièce, La Machine à écrire, au théâtre des Arts (avril-octobre) et par la reprise des Parents terribles fin octobre au Gymnase.
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Dans ces articles sur l’art, Cocteau n’échappe donc pas à l’histoire, y compris dans la série publiée juste avant la guerre. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles il les réunit en 1947, chose à souligner quand on sait sa difficulté à prendre position en politique. Le dernier paragraphe de l’avant-propos le suggère dans ces lignes où Cocteau, après s’être excusé d’« un certain désordre et [d’une] répétition de termes propres à ceux qui parlent et qui improvisent », écrit : « Mais il subsiste une poussière d’or, la grappe de bulles de savon qui monte d’un bol et qui reflète une lumière irisée d’orage. L’approche de l’orage se devine souvent entre les lignes. C’est pourquoi je laisse publier ces articles, véritables Articles de Paris. »